L'insuffisance de la non-philosophie

14/04/2003, Ray Brassier





1. La seule chose qui soit pire que la suffisance philosophique, c'est la suffisance non-philosophique.

1.1. Que la philosophie soit déjà-donnée non-philosophiquement comme occasion ne veut surtout pas dire qu'il y a déjà de la non-philosophie, autonome et indépendante de toute philosophie.

1.1.1. La non-philosophie ne s'enclenche que comme prise-en-compte d'une résistance auto-suffisante au donné radical : résistance véhiculée par le non-philosophe lui-même.

1.2. Ce n'est que parce qu'il y a de la philosophie — dans l'élément de laquelle toute pensée se trouve déjà enveloppée — qu'il peut y avoir de la non-philosophie. (C'est le « déjà » philosophique qui est « déjà-donné » non-philosophiquement).

1.2.1. Prétendre le contraire, c'est croire que la pensée est déjà-donnée, donc co-constituante du donné radical. C'est sombrer dans l'illusion hypo-philosophique d'une suffisance de la non-philosophie.

1.3. Cette confusion est à l'origine de la complaisance dont font preuve les non-philosophes quand ils pensent qu'un non-philosophe n'a pas besoin dêtre philosophe.

1.4. Les philosophes ne sont pas des imbéciles.

1.4.1. Prétendre le contraire, c'est sombrer dans la complaisance hypo ou anti-philosophique.

1.5. La déconstruction est une philosophie fonctionnant comme prétexte pour la complaisance hypo-philosophique.

1.5.1. La non-philosophie n'est pas une déconstruction.

1.5.2. La philosophie-comme-matériau n'est pas un « texte ».

1.5.3. Quiconque commence à parler de « texte » ou de « textualité » à propos de la philosophie-comme-matériau n'est qu'un déconstructeur honteux.

1.5.4. La déconstruction est dénuée d'enjeux.

1.6. Que la non-philosophie soit delivrée de toute téléologie philosophique ne veut pas dire que la non-philosophie comme pratique théorique soit dénuée denjeux.

1.7. Il faut penser à hauteur de la philosophie pour pouvoir penser à la hauteur de la non-philosophie.

1.7.1. Un « non-philosophe » qui n'est pas capable de penser à hauteur de la philosophie ne fait que de l'hypo-philosophie.

1.8. Ce n'est pas le philosophe pratiquant la philosophie de façon auto-suffisante qui fait preuve d'imbécillité. C'est plutôt le non-philosophe qui, revendiquant cette prétendue suffisance de la non-philosophie, croit pouvoir se déprendre des enjeux de la rigueur philosophique ainsi que de ceux de la rigueur non-philosophique.




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