Jacques Fradin

Né en 1948 ; MCF économie (ENS-lsh Lyon)
Après des études de mathématique (1963-1968), complétées par une thèse de topologie algébrique (1970), je me suis tourné entièrement, et ce pour des raisons « éthiques », vers l’économie analytique (que j’avais commencé à étudier dès 1966), préoccupé par ce mystère de la domination ou de la « servitude volontaire » (dont je pensais, naïvement, que l’économique m’offrirait la résolution !).
Rapidement, cette analytique économique, sous un regard mathématicien préoccupé éthiquement, (m’)apparut « fracturée », parcourue de contradictions, de cercles vicieux & de pétitions de principe, etc. bien incapable de répondre aux questions qu’elle déploie dénégativement (comme le rôle du conflit dans la société, et plus généralement la place de la domination dans l’ordre catallactique). Ma thèse d’Etat (d’économie théorique, 1973) a ainsi été consacrée à analyser ces contradictions et en particulier l’inanité scientifique de la « théorie de la valeur » (« orthodoxe », utilité ou travail, le « cœur » de la « science économiste ») aussi bien que l’insuffisance criante de l’enquête économiste, vulgairement positiviste (et inconsciente de sa provenance métaphysique). Face à l’incompréhension et plus, l’hostilité, de mes « collègues » économistes, j’ai été amené (« forcé » plus exactement) à « remonter » de la question de la valeur jusqu’à la « source » des contradictions analytiques (de l’économique). J’ai été ainsi mené (dès 1980) à montrer que l’économique est & n’est que du philosophique, et le plus souvent du métaphysique dogmatique « naturaliste ». S’en suivit une « carrière » d’économiste critique, hétérodoxe d’abord, bientôt hérétique, « carrière » qui m’imposa d’approfondir la philosophie (de Hegel à Leibniz, de Heidegger à Nietzsche, etc.) et de devenir « anti-philosophe » (à partir de mon ancienne formation auprès de Lacan & des cercles « critiques » de la rue d’Ulm, très actifs en cette époque de haute pensée critique qui correspond à ma formation philosophique primaire (1970-1975) — j’ai suivi les séminaires de Lacan de 1968 à 1972 et me suis toujours beaucoup intéressé à la psychanalyse). Je suis ainsi devenu « expert » en histoire de la pensée, économique, politique, anthropologique, etc. étudiée comme complément de l’histoire de la philosophie (exemple : étudier les Physiocrates avec Leibniz & Wolff). Ainsi s’est préparé le matériau de l’effectuation de la non-philosophie en non-économique.
Passer de l’anti-économique & de l’anti-philosophie associée (Deleuze, par exemple) à la non-économie considérée comme domaine de travail non-philosophique s’est progressivement imposé comme cheminement nécessaire. Quoique préparée dès 1978 (par la méditation de "Au-delà du principe de pouvoir") la recherche non-philosophique n’est devenue pour moi une voie obligée qu’au terme d’un chemin critique, aboutissement de l’anti-économique & de l’anti-philosophie, et par l’étude des "Principes de la non-philosophie" (1996), étude que je pouvais immédiatement impliquer sur le matériau économiste préparé de longue date et plus généralement sur le discours fortement philosophique (bien que cela soit refusé avec véhémence) qui constitue la face textuelle de l’économie-monde.

Actuellement, je tente de synthétiser 40 années de recherches critiques (hétérodoxes puis hérétiques), en économie comme en philosophie, et en termes et en conception non-philosophiques. La non-philosophie de François Laruelle constituant la forme radicale de pensée nécessaire au déploiement critique & éthique de la non-économie (pensable d’abord en termes « d’économie générale », puis « au-delà de toute éco-Nomique »). Est ouvert un immense chantier (avec 40 années de « matières premières ») dénommé « Traité de la richesse mortelle, introduction à la science radicale des pauvres » & qui vise à reformuler le projet de « science sociale critique » à la lumière de la création non-philosophique & qui dégage des dizaines de questionnements (à partir du matériau philosophique des sciences sociales), chantier qui devrait permettre d’enrichir la création radicale non-philosophique. Par reprise généralisante, en termes de non-économie ou d’économie générale selon le Réel de pauvreté (« science non-prolétarienne »), de mes recherches, menées depuis 1980 (reformulation de l’analyse de la valeur comme théorie de la domination, reformulation de l’économie publique keynésienne en économie généralisée, reprise de la question du droit en éthique généralisée (éthique politique ou non-éthique) faisant passer des Droits de l’homme aux Droits humains dynamiques, reformulation de l’histoire structuraliste (Foucault & Deleuze reconstruits comme schémas restreints), etc.) j’espère tracer un chemin « progressif » allant de l’anti-économique (et de l’anti-philosophie) à la non-économie.