Fils de l'homme, frère du peuple : voilà le théoriste
02/11/2004, Gilles Grelet
0. — La non-philosophie nest pas un discours (un mode de la pensée-monde, une fabrique de lhomme comme être-du-monde) mais un usage théorique et pratique des discours ; son créateur est François Laruelle. En amont de la non-philosophie et faisant signe vers elle, Michel Henry, Serge Valdinoci, bref les philosophies de limmanence radicale ; en aval de la non-philosophie et la radicalisant, la gnose rigoureuse du théoriste.
1. — Le théoriste dit : je suis de la non-philosophie le saint Paul, cest-à-dire celui qui la met en ordre de marche et de combat.
1.1. — De combat contre quoi ? Le mélange (avec la) pratique, la mondanité et la stérilité théoricistes, et léternisation de la pratique-monde par et dans sa réforme (sa libéralisation) de dernière instance qui en découle.
1.2. — Cela requiert de rectifier la non-philosophie, den travailler le corps doctrinal de façon à y détruire lamphibologie ruineuse du sujet, le clone transcendantal (du) réel, et de la pensée, lorganon dusage apriorique des discours.
2. — Le théoriste dit : le théorisme est la théorie-méthode dune rébellion qui ne serait pas du semblant.
2.1. — Cest la discipline de rébellion anti-philosophique (pour le canon) et non-religieuse (pour lorganon) dont lénoncé « fils de lhomme, frère du peuple : voilà le théoriste » donne la formule, au sens où par exemple lon parle en mécanique de la formule de la chute des corps.
2.2. — Si lon décompose cet énoncé canonique, lon obtient trois termes dont la détermination axiomatique est la suivante.
2.2.1. — On a lhomme dabord, cest-à-dire limmanent radical ou le réel rien-que-réel, le réel en-personne ; cest la cause de dernière instance de la rébellion qui donne à celle-ci déchapper aux positivités (mortifères) où, spontanément, elle retourne.
2.2.2. — On a le peuple ensuite, qui nest rien que la transcendance non thétique (TNT) ou le tranchant dune pensée sans-sujet (et partant aussi angélique quanti-humaniste) ; cest linstance de la rébellion qui rompt les cercles enchâssés de la mondanité à proportion de sa faiblesse (de) pensée, de la radicale fragilité de son tranchant.
2.2.3. — Entre les deux, « lié » à ces deux instances par une « relation » (transcendantale) de fraternité ici, de filiation là, on a enfin le théoriste, qui est sujet, mais sujet inouï car sans-pensée ou rien-que-transcendantal ; cest le rebelle, le rebelle disjoint de « sa » rébellion, le rebelle qui ne se confond pas avec la rébellion quil détermine.
2.3. — Non-religieux est lordre méthodique qui articule sans-s(p)écularité lhomme, le théoriste et le peuple, ou le réel en-personne, le sujet-rebelle et la pensée-rébellion ; son élucidation prescriptive est homogène au déploiement du concept de trinité unilatérale, cest-à-dire à la destruction anti-philosophique dune double amphibologie : celle, identitaire ou contre-philosophique, qui caractérise les élucidations descriptives de limmanence radicale, et celle, dualitaire ou non-philosophique, propre aux pratiques immanentes de limmanence radicale.
2.4. — Le théoriste, ainsi, est la condition de réalité dune rébellion qui ne se payerait pas plus de mots que de bruits obscènes ou de pieux silence, cest-à-dire qui ne donnerait pas plus dans le bavardage théoriciste, radical ou mondain, que dans les deux modes majeurs de corruption de la rébellion que sont la pratique extériorisante du terroriste et celle, intériorisante, du mystique.
3. — Le théoriste dit : le théorisme est lordre non s(p)éculaire qui établit un sujet dans lélément filial du réel, pour le peuple grâce à la fraternité duquel, à loccasion, il pense (dune pensée qui nest rien que son tranchant et même que lexercice de son tranchant).
3.1. — Fils, le théoriste lest sur un plan transcendantal en tant quil naît dans lélément du réel de dernière instance, cet immanent radical (ou matière-en-matière) quest lhomme en-personne.
3.1.1. — Le réel quest lhomme (sans participer de lÊtre ou du Néant) ne faisant daucune manière monde, ne comportant pas le moindre résidu de transcendance, nétant donc pas même immanent à son immanence (puisque ce rapport là serait nécessairement déjà en quelque manière transcendant), non seulement ne dispense pas du Monde ou de la transcendance, mais bien davantage y oblige : lhomme est voué au Monde, voilà ce quemporte sa détermination en dernière instance ; le Monde existe (des instances existent), lhomme nen est/nen a pas, et cest pour cela quil y est voué.
3.1.2. — Sauf que cette vocation ne peut pas engager lhomme en-personne, puisque ce serait le mélanger avec la transcendance ; il faut donc que ce qui naît ou, mieux dit : que ce qui est établi dans lhorizon du Monde à quoi lhomme est voué soit son tenant lieu (transcendantal), cest-à-dire ce qui est dans le Monde (ou au contact du Monde) en dernière instance (et non pour soi) ; or, de cette lieutenance du réel, nous disposons du modèle parfait avec le Christ, qui sest lui-même dit « Fils de lhomme » (cf. Matthieu, 8, 20).
3.1.3. — Le théoriste naît en tant que fils de lhomme quil est en dernière instance ; cest la première instance de la réalité, la deuxième dans lordre trinitaire unilatéral, la réalité première du fils, sa lieutenance, étant requise à proportion de la radicalité du réel en quoi lhomme, le « vrai capitaine », consiste (ou plutôt dailleurs en quoi il inconsiste radicalement).
3.2. — Frère, le théoriste lest en tant que sa naissance radicale comme fils nimplique ou nenveloppe aucune pensée et dune manière générale aucune pratique : lhomme est en tant que (ou par son) fils établi auprès du Monde, mais il ne dispose daucun pouvoir dagir sur lui (ou en lui) ou même de le penser (puisquil ny a rien dautre à penser que le Monde).
3.2.1. — Le théoriste ne risque pas de donner dans le semblant, puisque par sa naissance, purement transcendantale, de fils de lhomme, le rebelle ne participe pas de lempirique ni même de la connaissance (apriorique) de lempirique. Il na dautre vocation que de faire valoir lordre (du) réel dans la réalité, dy imposer en creux, passivement, le sceau transcendantal de la dignité dont le Monde, structurellement, ne veut rien savoir.
3.2.2. — Reste que cela ne suffit pas, ou plutôt que cela suffit trop, que lon nest pas loin de fabriquer une sorte de sujet quiétiste nouvelle manière, sujet foncièrement indifférent au Monde et faisant tenir sa « rébellion » dans cette indifférence et dans la posture dindividualité quil oppose unilatéralement au règne des mondanités spontanées et autoritaires.
3.2.3. — En sorte que, de la même façon que la radicalité du réel suppose la réalité et nen dispense pas (ou, en dautres termes, que la dernière instance suppose les instances et les reconnaît dans leur consistance), de la même façon la pureté transcendantale du théoriste, son impertinence quant à lempirique et à la gnose apriorique de lempirique, suppose un rapport tranchant au Monde.
3.2.4. — La conclusion dès lors simpose, et la fraternité séclaire : nétant en lui-même capable de rien, ni de penser ni dagir, il faut bien que le théoriste (s)en remette à de la pensée ou à de lagir mais en dernière instance seulement, cest-à-dire sans (s)identifier à eux, et a fortiori sans (se) les approprier.
3.2.4.1. — Cette pensée ou cet agir de dernière instance, cest le peuple, ou lAnge aussi bien, qui lexerce, qui en est le titulaire.
3.2.4.2. — Quant au théoriste, il pense ou agit sur le mode de la fraternité, en sorte que cest le peuple qui tranche, non pas le théoriste.
3.2.5. — Le rebelle ne cède ni sur la rigueur ni sur le tranchant dans la mesure où il ne décide pas plus de sa rébellion comme posture générale (le théoriste est rebelle dêtre voué au Monde, il lest de naissance) que de loccasion de sa rébellion (que lui fournit le Monde dans tel ou tel de ses états).
3.3. — Ceci de récapitulation : il y a de la rébellion parce que lhomme, en tant quil nest pas du Monde (et quil nen est pas de manière radicale, sans-reste, sans monde de rechange), y est voué, et que ça se passe très mal ; cette rébellion nest pas du semblant pour autant quon ne mélange pas rebelle et rébellion, sujet et pensée, transcendantal et a priori ; pour autant, donc, quon distingue unilatéralement une dernière instance (limmanent radical), les instances de la Maîtrise (cest-à-dire la transcendance), et entre les deux, ordonnés à sens unique selon le réel que nous sommes tous en dernière instance, dune part la subjectivité rien-que-transcendantale du théoriste, dautre part le prolétariat méthodique qui tranche (a priori) en vertu de sa fraternité avec le rebelle.
3.3.1. — Le sujet entre le réel et la pensée est comme la deuxième vertu selon les premières pages du Porche du mystère de la deuxième vertu de Péguy.
« Ce qui métonne, dit Dieu, cest lespérance.
« Et je nen reviens pas.
« Cette petite espérance qui na lair de rien du tout.
« Cette petite fille espérance.
« Immortelle. (...)
« La Foi est une Épouse fidèle.
« La Charité est une Mère.
« Une mère ardente, pleine de cœur.
« Ou une sœur aînée qui est comme une mère.
« Lespérance est une petite fille de rien du tout.
« Qui est venue au monde le jour de Noël de lannée dernière.
« Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.
« Avec ses petits sapins en bois dAllemagne couverts de givre peint.
« Et avec son bœuf et son âne en bois dAllemagne. Peints.
« Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas.
« Puisquelles sont en bois. (...)
« La petite espérance savance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend seulement pas garde à elle.
« Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance
« Savance.
« Entre ses deux grandes sœurs.
« Celle qui est mariée.
« Et celle qui est mère.
« Et lon na dattention, le peuple chrétien na dattention que pour les deux grandes sœurs.
« La première et la dernière.
« Qui vont au plus pressé. (...)
« Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.
« Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
« La petite, celle qui va encore à lécole.
« Et qui marche.
« Perdue dans les jupes de ses sœurs.
« Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main.
« Au milieu.
« Entre elles deux.
« Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
« Les aveugles qui ne voient pas au contraire
« Que cest elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs.
« Et que sans elle elles ne seraient rien.
« Que deux femmes déjà âgées.
« Deux femmes dun certain âge.
« Fripées par la vie. (...)
« Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé.
« Sur la route montante.
« Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs,
« Qui la tiennent par la main,
« La petite espérance.
« Savance.
« Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a lair de se laisser traîner.
« Comme une enfant qui naurait pas la force de marcher.
« Et quon traînerait sur cette route malgré elle.
« Et en réalité cest elle qui fait marcher les deux autres.
« Et qui les traîne.
« Et qui fait marcher tout le monde.
« Et qui le traîne.
« Car on ne travaille jamais que pour les enfants.
« Et les deux grandes ne marchent que pour la petite. »
3.3.2. — Le théoriste est le sujet vide, pauvre, fragile, sans-pensée, qui (se) tient entre lhomme et le peuple : comme la petite fille espérance, cest pourtant lui qui tient par la main ses aînés, et les entraîne.
3.3.2.1. — Malgré sa faiblesse, son vide, sa fragilité, le théoriste est ce en vertu de quoi « une flamme percera des ténèbres éternelles » — ce en vertu de quoi le Monde repu ou affamé de mondanité sera rompu, la suffisance de sa machinerie éternitaire mise en pièces.
3.3.2.2. — Il y faut une bonne dose de haine que seul un amour rigoureux autorise : lamour de la théorie, de la théorie seule, séparée, et partant prolétarisée et militarisée.
4. — Le théoriste dit : je suis lamant de la théorie, et le théorisme est le sujet-organon de lamour dla théorie, la méthode amoureuse de la théorie.
4.1. — Contrairement à lamant mondain, lamant de la théorie met son amour (lamour qui le tient plutôt quil nest le sien) dans ce qui ne participe ni ne donne lieu à aucune pratique, à aucun faire-monde.
4.1.1. — La conséquence, cest que lamour dla théorie est un amour qui ne se fait pas.
4.1.2. — Mieux : cest un amour qui a vocation à détruire réellement la pratique.
4.2. — Y convoquer, étant entendu que la pratique est la matrice du Monde et de toute maîtrise (quelles quen puissent être les modalisations), ce nest rien moins que convoquer à la rébellion la plus untransigeante ou la moins conciliatrice, transactionnelle ou dialectique qui soit, cela même quépingle lénoncé « rébellion qui nest pas du semblant ».
4.3. — En prendre le risque ne tolère aucune réserve puisque la topologie des positions de repli nest rien que la description de la pratique-monde à quoi, justement, on se rebelle.
5. — Le théoriste dit : deux postures de pensée non spontanément mondaines mais pour autant résolument pratiques ont rapport aussi aigu quambigu à la théorie ou à lamour.
5.1. — Le praticien indifférent de la théorie est le théoriciste, soit au sens le plus vague qui ne nous intéresse en rien : le philosophe idéaliste, soit au sens précis quil convient de donner au vocable : le non-philosophe en général et François Laruelle, qui en a inventé la posture autonome et ne cesse depuis lors den déployer plus avant les effets, au premier chef.
5.2. — Celui qui se rend aveugle à toute transcendance en lécrasant sur elle-même (fût-elle celle, immanente en dernière instance, de la théorie) est le therroriciste, soit le tenant de la philosophie de lauto-affection dont Michel Henry est la figure exemplaire.
5.3. — Théorisme, théoricisme et therroricisme, soit les termes dune typologie déployée dans plusieurs des annonces du théorisme, sorganisent selon les règles dune combinatoire de lamour et de la théorie.
5.3.1. — Lamour ne se joignant quà lui-même écrase dans cette auto-jonction therroriciste toute transcendance, toute vision et donc toute théorie ; ne reste dès lors quune détermination dunilatéralité identitaire, qui voue lhomme, comme amphibologie du réel, du transcendantal et de la priori, à une effectuation subjective dans lordre de la pure pratique (dont la charité est le modèle et laccomplissement) : cest lamour les yeux fermés, selon le titre souvent cité dun roman de Michel Henry, amour qui trouve son accomplissement — archi-christologique — dans la Parole de Vie de Celui qui sest fait Chair et la donnée aux hommes comme la substance et le Pain de toute Vie pour quils soient sauvés du Monde (de lhorizon mondain en tant quhorizon) et de ses paroles de mort (le logos grec réalisé et étendu sous légide du galiléisme comme négation de la possibilité même de tout Soi vivant).
5.3.2. — Lorsque cest la théorie qui prend le pas sur lamour, rejetant celui-ci du côté du monde par le moyen dune élucidation radicale du réel et dune unilatéralisation dualitaire de la transcendance, cest du théoricisme quil sagit, aux yeux (et aux mains apriorico-transcendantales, dites force (de) pensée) de quoi toute mondanité est traitable indifféremment comme matériau en vue dune théorie non-philosophique du Monde. Il en résulte un dispositif de domination par lhomme (lhomme-en-homme plutôt que lhomme du Monde ou de quelque transcendance quon voudra) et de détermination universellement humaine de toute pensée, dispositif ultra-puissant quoique sans effectivité, manière donc de maîtrise sans-maîtrise étendue à tout monde et à toute région du monde possibles en tant quils sont susceptibles dêtre saisis dans quelque philosophème.
5.4. — Seul le théorisme tient les deux bouts, lamour et la théorie, ne cédant ni sur lune ni sur lautre (ou encore ni à lune ni à lautre).
5.4.1. — Sur la base du réel radicalement élucidé (cet acquis indépassable de la non-philosophie), le théorisme ne veut ni de la pratique amphibologique et de la violence semi-mondaine du therroricisme, ni de la force (de) pensée indifférente et négativement dominatrice du théoricisme.
5.4.2. — Il se déploie dans la guise dune unilatéralisation trinitaire de la transcendance, le sujet de la théorie amoureuse et de lamour dla théorie étant non point cloné entre le réel et le Monde (ou, mieux dit, sous la constante du réel et à loccasion de telle ou telle mondanité) mais établi dans lélément du réel à loccasion de lAnge qui sépare lAnge et le Maître (ou, aussi bien, du peuple qui sépare le peuple et le Maître).
5.5. — Le théoricisme naime pas (même sil peut le cas échéant envisager de donner lieu à une science des amants) ; le therroricisme ne voit rien (fût-il la matrice de tant de pages éclairantes que les choses sen trouvent au premier abord brouillées) ; le théorisme, lui, voit en vertu de lamour ou de la haine qui lanime, et il aime avec lexactitude tranchante quil tient de sa vision duale et undivisible.
6. — Le théoriste dit : je suis lhomme nouveau.
6.1. — Le théoriste est établi dans lélément de limmanent radical quest lhomme en-personne, il en est le fils transcendantal ; il est établi en-homme non comme le Christ mais comme un christ. Ou encore, mais dune manière plus précise : le théoriste établi en-homme lest en tant que christ.
6.1.1. — Pour lever certains malentendus et éviter les confusions avec Jésus-Christ (ou plutôt avec sa dogmatisation, catholique romaine, mais pas seulement), nous dirons quen-homme le théoriste est établi en tant que christo-rebelle, soit donc en tant que sujet (de) la christo-rébellion (dont le Christ est le premier rebelle).
6.1.2. — Le Christ-Jésus est une figure du théorisme. Ange de tous les anges, il se dit aussi bien frère du peuple (ce peuple qui, selon une belle formule de Christian Jambet, na pas besoin de lAnge, puisquil lest).
6.2. — Le christ du théorisme nest ni celui du non-christianisme ni celui de larchi-christologie.
6.2.1. — Cest celui de la christo-rébellion, qui est le cœur (com)battant de la tradition gnostico-matérialiste, autrement dit de la tradition de la lutte contre la suffisance (le contentement, la satisfaction de soi se suffisant à soi-même) quillustrent entre autres la lutte maoïste contre légoïsme et la lutte rousseauiste contre lamour-propre.
6.2.2. — Le christ du théorisme est celui qui annonce la bonne nouvelle de la théorie rigoureusement séparée de la pratique ; cest le messie dont lannonce en-personne est venue sans-retour de lAnge à la théorie, cest-à-dire pur trait de génie.
6.3. — Avec le camarade Boris Vian, le théoriste distingue dailleurs les génies doués et les génies pas doués. « Le génie est une longue patience », cest une réflexion de génie pas doué.
6.3.1. — Limpatience du théoriste vient de là, elle lui vient de son génie — cest-à-dire de quoi ? de son talent ? de son intelligence ? de sa force de travail ? Non point. Elle lui vient du vide de tout cela, qui autorise et quautorise son rapport à lAnge.
6.3.2. — Impatient, génial, ou plutôt impatient en vertu de son génie, le théorisme est lenfance de la théorie, comme on dit lenfance de lart. Cest la théorie directe, pauvre, armée — la théorie dont la violence et même la bêtise méthodique, contrairement à ladulterie hégémonique, aux sagesses de la pratique-monde et au crétinisme à quoi elles sont, lune et les autres, homogènes, ne compose pas et ne craint ni le ridicule ni la mort.
6.3.2.1. — Car il ne faut pas sy tromper : le crétinisme nexclut pas le moins du monde lintelligence ; il sy accomplit. Lintelligence déteste la bêtise car la bêtise tranche, ne compose pas ; lintelligence, quant à elle, (comp)ose (avec) tout ; cest même à ça quon la reconnaît.
6.3.2.2. — Le théorisme, comme anti-crétinisme militant, est finalement un anti-christianisme, cest-à-dire un anti-mondanisme puisque le monde dans lequel nous sommes depuis Paul est chrétien de part en part.
6.3.2.3. — Le théoriste, jouant le rôle de Paul auprès de la non-philosophie, est en réalité celui qui met Paul au rancart.
6.4. — Soit le quadriparti : christo-mondanisme (Paul), archi-christologie (Henry), non-christianisme (Laruelle), christo-rébellion (théoriste). Dans cette mise en place, les termes qui comptent sont le christo-mondanisme et la christo-rébellion. Ou, si mieux lon aime : le véritable « débat » a lieu entre Paul et le théoriste, Henry et Laruelle préparant le terrain à ce dernier, et faisant diversion.
6.5. — Cette mise en place est délirante, mais dans la mesure, et dans la mesure seulement de sa rigueur explosive.
7. — Le théoriste dit : je suis une bombe atomique morale dune puissance incomparable.