TR 2004/05 : Un faux pli en question - Forum ONPhI

TR 2004/05 : Un faux pli en question

08/05/2005 à 17:39
Par: Yves Blanc
En appeler à l’éternité dans ses représentations, ses explications, pour donner sens à une réalité donnée, c’est adopter peu ou prou la philosophie de Platon, sa définition intuitive du sens contraire qui revient à opposer deux concepts qualitativement différents.
<br> Et qu&rsquo;on n&rsquo;aille pas trop vite crier à l&rsquo;archaïsme d&rsquo;une telle philosophie et de la préoccupation qui serait la nôtre, qu&rsquo;on n&rsquo;aille pas trop vite crier à l&rsquo;évolution, à la modernisation de la philosophie, voire de sa propre pensée car il est loisible de se dire par exemple plus cartésien que platonicien et de s&rsquo;apercevoir néanmoins que sa pensée s&rsquo;élabore encore sur une division logique exclusive qui sépare ainsi l&rsquo;être du devenir, le sujet de l&rsquo;objet, l&rsquo;esprit de la matière ou encore l&rsquo;utopie de la dimension spatiale.
<br> Toujours la même pensée à l&rsquo;oeuvre qui en appelle au mythe de l&rsquo;éternité, de la vérité universelle pour éclairer le sens de toute réalité donnée.
<br>De là par conséquent cette cécité chronique qui nous caractérise car nous voilà bien incapables de distinguer ce fameux pli entre ce qui est éternel et ce qui ne l&rsquo;est pas. Malgré toute notre bonne volonté, quand bien cette éternité serait invisible, nous ne parvenons pas davantage à l&rsquo;imaginer, à nous en faire la moindre idée, la moindre vérité et c&rsquo;est bien là notre problème, cette absence d&rsquo;imagination chronique à l&rsquo;endroit de l&rsquo;éternité.<br> Aussi nous voilà bien forcés au péché d&rsquo;orgueil &#8213; ou nous ne serions pas philosophes à en croire la non-philosophie. Un péché d&rsquo;orgueil qui ne nous fait voir dans ce pli platonique essentiel, pour ne pas dire cartésien qu&rsquo;un faux pli, un simple mirage de la pensée plus que sa réalisation effective quand elle s&rsquo;avise d&rsquo;en appeler à l&rsquo;éternité pour se justifier. Et c&rsquo;est par ailleurs pour cette raison que nous avons les non-philosophes en estime, même si nous ne nous ne comprenons pas en définitive leur hypothèse, dans la mesure où leur pensée s&rsquo;offre comme une médiation précieuse pour atteindre à notre propre vision des choses. En effet, s&rsquo;ils déplorent quant à eux un pli de trop dans la pensée philosophique alors que nous en déplorons tout à l&rsquo;inverse l&rsquo;absence, le résultat est néanmoins le même : cela oblige la pensée à explorer la possibilité de se réaliser sans référence à ce faux pli, et peu importe après tout que celui-ci tienne à une raison mal civilisée, entachée « de contingence empirique »<sup>1</sup> suivant l&rsquo;hypothèse non-philosophique ou, selon nous, à une imagination débordante. Du reste, il est peut-être temps de confesser sans plus tarder notre vanité intellectuelle, cette vision de pensée si peu soucieuse d&rsquo;éternité qui est la nôtre.
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1- Ibid., chap. V, p. 253.