TR 2004/05 : La raison et l'esprit - Forum ONPhI

TR 2004/05 : La raison et l'esprit

20/01/2005 à 19:45
Par: Yves Blanc
<strong>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un philosophe ?</strong><br><br>
A l&rsquo;heure où la non-philosophie, telle une juridiction inopinée de la pensée, a prononcé la mise en examen de la philosophie et partant de ses artisans, voilà une question aussi banale qu&rsquo;essentielle que tout philosophe qui se respecte ne peut éviter de se remettre en mémoire, pas plus qu&rsquo;il ne peut à bon droit se dispenser d&rsquo;y répondre. En effet, quand bien nous serions innocent et que nous n&rsquo;en doutions pas, encore convient-il d&rsquo;en faire démonstration, de plaider notre innocence &#8213; quoi qu&rsquo;il advienne. <br>Alors soit, qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un philosophe ? Oh ! inutile de compliquer les choses, disons qu&rsquo;à l&rsquo;image d&rsquo;une pièce de monnaie, côté face, c&rsquo;est tout simplement quelqu&rsquo;un d&rsquo;inconsolable qui désespère d&rsquo;être venu au monde. Tel un ange déchu, il a la nostalgie de ce paradis Blanc<sup>1</sup> alors invisible à ses yeux qui l&rsquo;abrita fût un temps, quand sa vie se jouait sans qu&rsquo;il eût à se soucier de rien. Temps béni où il baignait dans le ventre chaud de sa mère, instant d&rsquo;éternité proprement « métaphysique » puisqu&rsquo;un simple cordon ombilical suffisait à faire de lui un enfant roi, un petit dieu tout puissant en comblant instantanément le moindre de ses besoins. Lieu divin où il n&rsquo;avait pas le temps de désirer sa vie. Sauf que cela n&rsquo;aura duré, hélas, qu&rsquo;une poussière de temps. Vint l&rsquo;heure fatidique qui le mit au supplice, celle où il fut arraché des entrailles sans autre explication et le cordon rompu. Allait-il lui falloir désormais apprendre à vivre en exil, à l&rsquo;étranger sur terre, éloigné à jamais de cet éden insoupçonné dont il gardait la plus agréable mémoire. Quelle malédiction par conséquent pour qui ne parvient pas à oublier et se souvient hélas d&rsquo;un tel bonheur passé, heures sereines d&rsquo;insouciance d&rsquo;une vie intérieure toute pétrie d&rsquo;émotions positives, de plaisir absolu : une vie fabuleuse car elle est sans problème. <br>Un philosophe est donc quelque part une victime en souffrance, un être tourmenté, trahi par une mémoire d&rsquo;éléphant &#8213; son patrimoine affectif héréditaire &#8213; et partant un incurable romantique qui ne peut s&rsquo;empêcher de croire encore au père Noël ! Oui, il nous faut l&rsquo;avouer, un philosophe est bel et bien, d&rsquo;une certaine manière, un rêveur déraisonnable, un « prince des nuées », un Poète qui ne désire follement qu&rsquo;une chose au monde : rentrer sans tarder « au pays », retrouver au plus tôt son beau paradis Blanc. <br>Quelle candeur d&rsquo;esprit !<br> Mais alors, quel fol entêté qu&rsquo;un philosophe ! Quel penseur passionné « encore sauvage et mal civilisé » ! Les non-philosophes n&rsquo;ont donc pas tort de pointer du doigt ses origines « spontanées » et de l&rsquo;interpeller sans concession. Faut-il néanmoins céder à la caricature et avouer publiquement qu&rsquo;il n&rsquo;est bien que ce qu&rsquo;ils en soupçonnent et ce que nous en avons dit à l&rsquo;instant ? <br>Non, rien n&rsquo;est moins sûr ou ce serait, pour reprendre l&rsquo;image de notre pièce de monnaie, le confondre un peu trop vite avec son effigie, s&rsquo;en faire par conséquent une conception simpliste. Et ce serait tout bonnement mentir par omission, taire volontairement sinon par ignorance son côté pile, sa valeur faciale dont nous nous proposons justement d&rsquo;apporter maintenant une preuve essentielle.
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1- Emploi stylistique de « Blanc » à la place de « blanc », comme personnalisation poétique.