Clandestinité, une ouverture
La philo-fiction ne peut suivre la même voie, car, non seulement la philosophie reste étrangère au progrès tel qu’il anime les sciences, mais encore son influence sur l’homme n’est pas technique. Certes, les philosophes examinent la science et les techniques, formant des disciplines telles que l’épistémologie et la technologie, développant des critiques de la cybernétique et de la technocratie, mais leur réflexion se restreint de ce fait à l’usage politique du progrès. Ainsi la fiction n’est-elle admise dans leurs discours que si elle leur permet de camper une situation qui suscite ou valide une critique contemporaine.
Notre travail sera donc toujours dominé par cette triade que forment la science, la fiction et la philosophie, triade qui produit deux rapports bilatéraux, soit quatre combinaisons au total. La science-fiction conjecture le progrès technique et ses conséquences dans le simple dessein d’émanciper l’imaginaire du passé et du présent. Mais, elle ne cherche pas, le plus souvent, à nous projeter juste dans un futur proche, que prédéterminerait encore notre histoire et notre actualité ; elle s’efforce de rompre radicalement avec cette nécessité de dernière instance, pour ouvrir l’imaginaire et la raison à une contingence absolue ; aussi la philosophie s’empare-t-elle quelquefois de ce procédé pour universaliser une réflexion sur la technique et la politique, pour le plus souvent critiquer ce que la science rendrait possible, pour mettre en garde contre des risques.
À l’inverse, la science et la philosophie pures restent pourtant réfractaires à la fiction, si ce n’est sous la forme, pour cette dernière, de l’allégorie qui explicite et popularise ses théories. La philo-fiction n’est donc pas une philosophie qui utilise la fiction pour se faire comprendre ou un récit qui entend justifier un système, l’un et l’autre procédés se rejoignant sans cesse. Il s’agit pour nous, en partant de questions ou de thèmes précis, comme La clandestinité pour ce premier numéro, de réfléchir aux systèmes philosophiques qu’ils pourraient inspirer. Nous sommes convaincus que tout n’a pas déjà été dit, écrit, et qu’il est possible, au sein, en marge ou à l’extérieur de la philosophie, de penser autrement.
Conformément au titre de notre publication, la différence par rapport aux autres revues tiendra donc dans notre volonté de nous affranchir des écoles et des systèmes préexistants. Cela ne consistera pas à récuser la culture philosophique, qui est nécessaire à l’intelligence des problèmes fondamentaux, mais à en développer un certain usage, afin que, sous les auspices de la non-philosophie, naisse en nous une réflexion moins académique, une pensée des plus audacieuses.
Format : 148mm x 210mm
104 pages, n° ISSN : 2100-0743
Vers une esthétique clandestine, par Etienne Brouzes
Clandestins sous le soleil, par Erik Del Bufalo
Le désert et le maquis. D'un état clandestin, par Jean-Baptiste Dussert
La petite misère du monde, par Christelle Fourlon
Le symptôme de Clavileño, par Gilbert Kieffer
Allons enfants de la clandestinité..., par Jean-Michel Lacrosse
Les clandestins du « Mille-Plateaux », par Sylvain Letoffe
Clandestin et clandestin-en-Un, une tentative non-phénoménologique du clandestin, par Xavier Pavie