Introduction au non-marxisme
François Laruelle
Plutôt que de compliquer le marxisme par des interprétations philosophiques destinées à le rendre « concret » et « intelligible », on propose une autre voie de réforme : sa paupérisation philosophique, sa simplification interne, à la fois sa radicalisation et son universalisation pertinentes pour toute conjoncture possible, c'est-à-dire le capitalisme et la philosophie réunis dans la « pensée-monde ». Une axiomatisation, transcendantale plutôt que formelle, doit le désencombrer de ses postulats inutiles, historico-dialectiques, et du concept philosophique des postulats. A cette fin quatre voies sont prospectées qui doivent instaurer une pratique « non-marxiste »du marxisme. 1. La « détermination-en-dernière-instance » dont les philosophes ont méconnu l'originalité non-philosophique de causalité par immanence unilatérale et qu'ils n'ont pu élucider par ensorcellement dialectique. 2. L'infrastructure comme immanence radicale du Réel travestie en matière et matérialisme. 3. L'identité sans synthèse dialectique de la science et de la philosophie, donc une réforme de la théorie et une discipline inouïe qui use de la philosophie sans en être une. 4. Un nouvel objet, posé comme une hypothèse adéquate au concept axiomatisé de l'infrastructure, non plus les formes socio-économiques du capitalisme mais la fusion du capitalisme transhistorique et de la totalité de ses conditions philosophiques de fonctionnement, c'est-à-dire de la philosophie en personne, dans l'universalité de la pensée-monde. Le programme non-marxiste ne nie pas philosophiquement le marxisme, il le pratique autrement pour retrouver son originalité théorique et humaine.
Aller à Marx plutôt qu'y faire retour, le connaître plutôt que le reconnaître...
F. L.