Allons enfants de la clandestinité...
17/12/2008 à 15:57
Par: Jean-Michel Lacrosse
Résumé
"Clandestinity" is the consequence of the Majority's activity, this activity
which tend to eliminate the Minority's identity - Minority's being -(through
its practices and values).
Mots clés
clandestinité, minorité, secret, Démocratie
Allons enfants de la clandestinité... par Jean-Michel Lacrosse
I.1.1 Allons enfants de la clandestinité...
«Ce qui existe, fonctionne, se fait de manière secrète, en dehors de ceux qui exercent l'autorité, à l'encontre des lois établies, de la procédure normale et licite ».
La minorité est le résultat de toute division dans un système ordonné ou hiérarchisé. Elle en est la section de « moindre valeur ».
Si pour les mathématiques la section de « moindre valeur » est celle de moindre quantité ou celle qui vient « après » dans un ordre hiérarchisé, en politique, la valeur se détache souvent de la quantité pour devenir la fraction qui n’a pas le « pouvoir de pratiquer ses valeurs ».
La clandestinité est la pratique de la minorité –la section de moindre valeur d’une division- pour résister au pouvoir.
Clandestinité et secret
Il ne faut pas nécessairement confondre la clandestinité avec le secret.
Le Secret est toujours l’affirmation d’une faiblesse, l’affirmation que l’usage par l’autre de l’information ne pourra être empêché et que cet usage sera nuisible. Il est une forme de contrainte, d’usage de la force : Une pratique qui empêche la pratique de l’Autrui.
Puisqu’en non-philosophie, le Monde - la-philosophie - est Un seulement en dernière-identité, la Vérité bien plus qu’une « adéquation de la pensée au Monde » est « partage du Monde avec l’Autrui ». Or le Secret s’oppose à la Vérité comme partage, car le « retrait au Monde de la chose », retire à la chose son « sens en Monde » qui est l’essence de Vérité. Il ne peut, ainsi, y avoir de « préservation de la Vérité » par la mise en secret. Il s’agit seulement d’une préservation d’un pouvoir par retrait de la puissance de l’Autre.
Nous remarquerons que la Démocratie quand elle se définie comme partage du pouvoir est, dans son principe, incompatible avec le Secret.
Mais la démocratie dans sa pratique n’est pas un partage ‘libre, égal et fraternitaire’ du pouvoir, et cette démocratie là, est alors écrasement, destruction, annihilation des minorités. Tous les pouvoirs, règles et contraintes, se font en faveur de la majorité et au détriment des minorités. Même le Vote, comme expression du vouloir de la majorité, est l’instrument légal de réduction au silence de la minorité « puisque c’est le choix de la Majorité », minorité qui n’à plus alors comme alternative, pour maintenir sa pratique, que de le faire dans la clandestinité.
La clandestinité comme pratique d’un secret qui est « empêchement de la pratique d’Autrui (de part son ignorance)» restaure ainsi du pouvoir à la minorité.
Individus en Peuple
La communauté s’oppose t’elle à l’individu ?
Il est parfois considéré que l’individu se réalise à travers les buts et fonctions que lui donne/attribue la communauté en retour de sa demande de participation et que c’est cette attribution qui procure l’identité à l’individu. Mais il est clair que l’individu est un « dividu » - qu’il est un être composé et multiple - au préalable et que ce n’est que l’acceptation par la communauté de cette identité, multiple et éclatée, – et son affirmation comme vérité unitaire auprès des autres membres – qui l’unifie. C’est par la communauté que l’individu s’amalgame pour permettre par celle-ci d’user de celui-ci.
C’est la fonction qui est le critère de la communauté. La fonction de la communauté comme une et la fonction de chaque « mise en commun », individus, matériaux ou pratiques –philosophies-. Et si la communauté n’est pas « la machine » – même si elle est « aussi » machine – c’est que cette fonction ne lui est que « déléguée », elle n’en est pas la source, l’identité.
Ce qui lie des individus en peuple, ce n’est pas la force, ni même l’unité géographique, mais la reconnaissance de l’Autre dans sa différence individuelle comme un « moi-même » dans la pratique de ses valeurs.
Alors, si la Démocratie est pouvoir du peuple, doit on considérer que le peuple est un et ne peut donc avoir qu’un seul vouloir ? Ou doit on considérer qu’il est « composite », c'est-à-dire un à l’extérieur et multiple à l’intérieur, ce qui laisserait la place à plusieurs vouloirs ?
En résumé, existe-t-il une (des) minorité(s) ?
Si la réponse était non, il ne serait pas, alors, nécessaire de prendre en compte des critères d’éthique dans l’action Démocratique, puisque « le peuple étant unique et souverain » sa décision ne peut être remise en cause.
Le peuple – à l’inverse de la communauté – n’est pas une construction à posteriori, une reconnaissance d’un individu comme participant à un groupe, mais une identité à priori : un ensemble de critères identificatoires permettant l’identification à un groupe. La notion de peuple peut ainsi exister même en l’absence d’aucun individu participant à ce peuple.
Le peuple, tout comme l’individu, est une pratique en identification une fois-chaque-fois. On ne fait pas parti d’un peuple, on est identifié de ce peuple à chaque fois que l’identification est requise. Tout comme pour l’individu, la pratique de l’identification est pratique métaphorique (pratique du « il y a du ‘critère’ dans ce matériau ‘peuple’ »). Ce n’est pas la détermination d’une limite ou d’une frontière qui fait le peuple, mais le partage d’une philosophie (ensemble de pratiques et de matériaux).
L’aristocrate qui se pense séparé du peuple – du commun – est hors du peuple, mais dans la communauté. Car s’il ne partage pas les valeurs du commun, il participe à ses fonctions.
On peut alors se demander quelles sont les raisons déterminant le choix des matériaux et pratiques particuliers de cette philosophie ? Pourquoi l’Homme voudrait il être identifié comme « membre d’un peuple » ?
Si le peuple ne se définissait que par la présence sur un territoire commun, la notion de territoire ou de « communauté ayant pour fonction d’occuper ce territoire » suffirait. Il en irait de même s’il s’agissait de partager un idéal, un droit ou un bien. Si l’Homme veut participer à un peuple, ce ne peut pas être pour une fonction quelle qu’elle soit, mais pour être en identité identifié, pour participer à l’identité de ce peuple. Ce peuple là et non un autre. C’est en définitive la raison pour laquelle chaque peuple est unique : parce qu’il est pour que l’on soit en identité identifié.
Il n’est pas nécessaire d’être un même (famille) ou un complémentaire (communauté) pour être du même peuple, car on n’est pas d’un peuple à postériori par respect d’une étiquette, mais à priori par adhésion.
Que ce soit pour le peuple ou pour la communauté, l’individu reste présent soit simultanément, soit précédemment. En cela, ils diffèrent de la secte ou de la ruche qui nie l’individu pour le remplacer par un « je » commun – un « amaé »- ou un « je » délégué – un « gourou » -.
Le peuple se pense unique et réel, car il pense ses valeurs comme « en vérité », partagées universellement. C’est au nom de cette vérité des valeurs qu’il justifie la guerre et l’apartheid. L’apartheid est d’ailleurs constitutif du peuple puisque se voulant Un, l’Autrui – l’Autre qui est un ‘Je’ - est rejeté dans l’extériorité et traité comme tel.
Pourtant le peuple comme pratique en identité est philosophique et Mondain. Le choix des critères restant ponctuels et accidentels, lié à ce que l’on appelle l’Histoire.
L’individu restant au cœur du peuple, le vouloir de l’individu forme le vouloir du peuple. Seulement la vérité étant censée être une et universelle, le vouloir d’un individu du peuple, doit être le vouloir des autres puisque s’appliquant sur un Monde unique.
Toutefois la vérité - si elle est partage du Monde-, est-elle unique et universelle ?
Le peuple ne peut garantir – même s’il le croit – qu’il dispose de l’unique vérité, même s’il dispose visiblement d’un « partage du Monde ».
Ce qu’il peut garantir, c’est qu’il dispose d’une tradition – une pratique du partage du Monde -.
Le peuple ne peut éviter la multiplicité des vouloirs, il ne peut donc éviter, en démocratie, l’établissement d’une Majorité et de Minorités. Car il ne peut empêcher l’addition des « vouloirs le même » et leur identification comme différents des « vouloirs autres ». Une division qui si elle est coupure ne sépare pas le peuple en deux mais affirme une altérité (unilatérale).
Clandestinité ou anonymat
La clandestinité est cette pratique de la Minorité pour conserver son identité malgré le vouloir unifiant de la Majorité. Mais c’est une pratique commune, car chacun à un moment ou à un autre de son vécu participe à une minorité.
Bien souvent, les premières déclarations de « flammes amoureuses » se font clandestinement. Ici, c’est l’autorité du parent ou du tuteur, ainsi que celle de l’opinion des égaux, à qui l’on veut échapper. Clandestinement, mais pas anonymement, car si elles ne se font pas « au vu et au su de l’autorité », elles réclament d’être « en personne identifié comme l’auteur de la déclaration ».
La clandestinité n’est donc pas nécessairement synonyme d’anonymat.
En réalité, la clandestinité est presque toujours « en personne », et c’est parce ce qu’elle est une pratique qui « pourrait permettre une identification » qu’elle est clandestine : « hors de la vue et du su de l’autorité ».
Avec la clandestinité, vient toujours la question de savoir si l’autorité « à toujours raison ». La force qui exerce la règle et la loi est elle infaillible ?
Si oui, à la fois, « on ne pourra y échapper » et « y échapper serait pratiquer le mal » ; si non « comment contester l’autorité » ? Quels sont les accès dont dispose une personne pour contester « impunément » l’autorité ?
L’autorité, le « pouvoir d’agir sur autrui ou de faire agir autrui » est il nécessairement infaillible ? Ou même juste ?
Il est communément admis que non. L’autorité ne provient que de la Loi - une philosophie-valeur partagée et pratiquée par les coopérateurs -, et si celle-ci peut tenter d’approcher une certaine justice, elle ne peut, pas plus que la Vérité, être « adéquate au Réel » et doit se contenter de l’approximation et de sa possible soumission à l’erreur.
Il peut donc toujours y avoir une certaine légitimité – même si celle-ci n’est pas fournie par la Loi – de contester l’autorité.
Quelle motivation peut avoir la minorité à résister au pouvoir et à l’autorité ? Ce qui peut se traduire par « quel est le pouvoir du pouvoir sur la minorité » ?
Forcer à faire, forcer à être…
Nous savons que la Majorité à une tendance à la conformité, à l’uniformité et à vouloir l’imposer si nécessaire aux autres, l’inquisition étant un exemple extrême, mais la loi récente sur l’interdiction de fumer en est aussi une démonstration : les mêmes arguments justifiant son application n’étant pas, par exemple, appliqués à d’autres sujets (comme l’alcool).
La Majorité à une propension à rechercher une « pureté identitaire » lui évitant d’avoir à justifier ses valeurs et lui permettant de les considérer comme Universelles.
Mais nous avons maintenant un critère général de justification à la contestation de l’autorité de la Majorité. Puisque la Majorité détient l’autorité et que cette autorité peut être dans l’erreur, la Minorité peut la contester si son identité de Minorité est en jeu. Elle se doit même de la contester puisque sinon son existence comme Minorité est en cause : la Minorité n’est Minorité que depuis cette coupure qui l’identifie comme Minorité.
Quelles formes doivent prendre cette contestation ?
Il est assez clair que la forme de la contestation dépend de l’attitude de la Majorité.
Si celle-ci accepte l’expression de pratiques et de valeurs – identités de la Minorité – différentes des siennes, alors cette contestation ne sera qu’une visibilité : une présence au Monde.
Cependant, plus les règles édictées par le pouvoir et l’autorité seront strictes et contraignantes, moins la minorité disposera d’autres solutions pour simplement conserver son identité que la clandestinité.
La clandestinité est une production due à l’activité de la Majorité, activité visant à supprimer l’identité d’une Minorité (à travers ses pratiques et ses valeurs).
Le fort et le faible
La lutte des faibles contre les forts, de par sa définition même, est une lutte inégalitaire et déséquilibrée. Elle ne peut se permettre les règles de la chevalerie et les « règles de la guerre » sans renoncer à un possible succès – possible même si improbable -.
Maintenant, la pratique de la clandestinité est une pratique de la Minorité, mais pas nécessairement la pratique du plus faible.
Et justement, la seule pratique clandestine qui est également anonyme, est celle du « fort sur le faible », la pratique de l’État sur ces citoyens par exemple, où seule la fonction clandestine peut être identifié et non l’individu qui la pratique. Car cet individu n’a d’existence, pour l’État, qu’a travers sa fonction.
La clandestinité du fort reste toujours une pratique d’un minoritaire face à une majorité ayant l’autorité (le peuple dans le cas de l’État). L’État voulant alors une identité propre – même si la question de l’autonomie de l’État par rapport à son peuple peut, par ailleurs, poser problème -. Des états centralisés et jacobins comme la France, sont depuis longtemps tentés par la réification. Au début grâce une personnification à travers un dirigeant, puis de plus en plus sans aucun intermédiaires : seule la fonction ayant une identité (police en civil - voir police secrète -, comités et hautes autorités aux membres indistincts, administration informatisé ou a distance).
Alors le fort peut lui-aussi renoncer aux règles de la chevalerie pour prendre à son compte des « règles efficaces ». L’efficacité lui faisant renoncer à toute éthique.
L’état démocratique se dit sous l’autorité du Peuple mais son action cherchera alors à y échapper par « soucis d’efficacité » ou sous le coup du « secret d’état ». Il entre alors en « clandestinité ».
Les premiers usages fait par l’État concernaient la surveillance du peuple même par des services spécialisés, en France ont ainsi été crées les Renseignements Généraux (RG) directement et clandestinement rattachés au premier-ministre. Puis devant l’efficacité indubitable de la méthode, des services « actions » permettant à l’État, maintenant informé, d’agir – tout autant clandestinement – sur les organes actifs du même peuple – presse, associations ou syndicats -. Puis la défiance envers le peuple se propageant, l’État généralise la surveillance à toutes les activités du Peuple à travers des systèmes panoptiques, permettant en même temps la surveillance, le renseignement et l’auto-contrôle (Caméras et Vidéo Surveillance).
L’action clandestine de l’État peut également concerner d’autres États, là encore pour renseignement ou pour action. La clandestinité ne visant pas seulement à éviter le contrôle populaire – sensé être validé par la représentativité du gouvernement (représentativité bien indirecte en France par exemple où seul le chef de l’État est « populairement » désigné.), mais à éviter les représailles des autres États.
Clandestinité et résistance
Mais en soi, la clandestinité n’est pas lutte mais résistance, elle ne tente pas de contraindre l’Autre (la Majorité, l’autorité) à accepter son identité, mais seulement refuse de la perdre.
Toutefois là où la résistance peut se contenter d’être passive et admet d’être publique, la clandestinité est agir. Même s’il s’agit seulement de se cacher de l’autorité, la clandestinité est acte de masquer.
Bien sûr la résistance n’est pas seulement du coté de la clandestinité. Car il y a aussi une « résistance à la clandestinité » qui est une résistance de l’autorité à la « possibilité de résistance du clandestin ». Mais cette résistance-ci est de l’ordre de la lutte, elle veut l’application de la règle et le respect de l’autorité.
Elle le veut non pas spécifiquement contre la clandestinité, mais plus généralement comme lutte contre l’anarchie, l’absence de chef et de règles. Car il est dans la nature de la clandestinité qu’il soit difficile de lutter contre elle. La clandestinité n’est pas à la marge, elle n’est jamais marginale, elle est bien au contraire au cœur même du peuple, cœur qui bien que double reste un.
Et si l’autorité requalifie le clandestin comme partisan, résistant, anarchiste ou terroriste, ce n’est pour elle qu’un moyen de lutter. Car la lutte contre le clandestin passe par sa révélation, sa dénonciation, son identification.
Étant donné qu’il n’est que deux moyens de sortir de la clandestinité : son abandon par la minorité, ou sa révélation par la majorité.
Dans une éthique Machiavélienne, cela peut conduire l’autorité à recourir elle-même à des comportements clandestins, comme l’ouverture du camp de Guantanamo ou l’installation de portes dérobées sur les ordinateurs personnels connectés, pour lutter – avec toute l’efficacité nécessaire - contre la clandestinité. Les deux clandestinités cherchant à (re)donner du pouvoir à leur parti.
Seulement le clandestin ne peut être révélé sans perdre son identité. La révélation l’efface et le détruit. Son action ne peut être dirigée que vers sa pratique identitaire rendue impossible par l’autorité et son masquage, son rendu-invisible qui lui permet d’être-lui-même.
La majorité doit alors, elle-même, marquer son désaccord avec la pratique faite en son nom par une désobéissance civile qui est un non respect de la règle et de l’autorité mais affirmée publiquement et donc absolument pas clandestine. Cette désobéissance pourra prendre la forme d’une imitation des pratiques et valeurs minoritaires ou au moins par la défense active de celles-ci. L’imitation n’ayant pas ici le but de la moquerie et de la caricature, mais la forme du respect et du soutient.
Et c’est depuis cette pratique de la Majorité, que la Minorité clandestine pourra retrouver sa présence au Monde et le peuple son unité.
"Clandestinity" is the consequence of the Majority's activity, this activity
which tend to eliminate the Minority's identity - Minority's being -(through
its practices and values).
Mots clés
clandestinité, minorité, secret, Démocratie
Allons enfants de la clandestinité... par Jean-Michel Lacrosse
I.1.1 Allons enfants de la clandestinité...
«Ce qui existe, fonctionne, se fait de manière secrète, en dehors de ceux qui exercent l'autorité, à l'encontre des lois établies, de la procédure normale et licite ».
La minorité est le résultat de toute division dans un système ordonné ou hiérarchisé. Elle en est la section de « moindre valeur ».
Si pour les mathématiques la section de « moindre valeur » est celle de moindre quantité ou celle qui vient « après » dans un ordre hiérarchisé, en politique, la valeur se détache souvent de la quantité pour devenir la fraction qui n’a pas le « pouvoir de pratiquer ses valeurs ».
La clandestinité est la pratique de la minorité –la section de moindre valeur d’une division- pour résister au pouvoir.
Clandestinité et secret
Il ne faut pas nécessairement confondre la clandestinité avec le secret.
Le Secret est toujours l’affirmation d’une faiblesse, l’affirmation que l’usage par l’autre de l’information ne pourra être empêché et que cet usage sera nuisible. Il est une forme de contrainte, d’usage de la force : Une pratique qui empêche la pratique de l’Autrui.
Puisqu’en non-philosophie, le Monde - la-philosophie - est Un seulement en dernière-identité, la Vérité bien plus qu’une « adéquation de la pensée au Monde » est « partage du Monde avec l’Autrui ». Or le Secret s’oppose à la Vérité comme partage, car le « retrait au Monde de la chose », retire à la chose son « sens en Monde » qui est l’essence de Vérité. Il ne peut, ainsi, y avoir de « préservation de la Vérité » par la mise en secret. Il s’agit seulement d’une préservation d’un pouvoir par retrait de la puissance de l’Autre.
Nous remarquerons que la Démocratie quand elle se définie comme partage du pouvoir est, dans son principe, incompatible avec le Secret.
Mais la démocratie dans sa pratique n’est pas un partage ‘libre, égal et fraternitaire’ du pouvoir, et cette démocratie là, est alors écrasement, destruction, annihilation des minorités. Tous les pouvoirs, règles et contraintes, se font en faveur de la majorité et au détriment des minorités. Même le Vote, comme expression du vouloir de la majorité, est l’instrument légal de réduction au silence de la minorité « puisque c’est le choix de la Majorité », minorité qui n’à plus alors comme alternative, pour maintenir sa pratique, que de le faire dans la clandestinité.
La clandestinité comme pratique d’un secret qui est « empêchement de la pratique d’Autrui (de part son ignorance)» restaure ainsi du pouvoir à la minorité.
Individus en Peuple
La communauté s’oppose t’elle à l’individu ?
Il est parfois considéré que l’individu se réalise à travers les buts et fonctions que lui donne/attribue la communauté en retour de sa demande de participation et que c’est cette attribution qui procure l’identité à l’individu. Mais il est clair que l’individu est un « dividu » - qu’il est un être composé et multiple - au préalable et que ce n’est que l’acceptation par la communauté de cette identité, multiple et éclatée, – et son affirmation comme vérité unitaire auprès des autres membres – qui l’unifie. C’est par la communauté que l’individu s’amalgame pour permettre par celle-ci d’user de celui-ci.
C’est la fonction qui est le critère de la communauté. La fonction de la communauté comme une et la fonction de chaque « mise en commun », individus, matériaux ou pratiques –philosophies-. Et si la communauté n’est pas « la machine » – même si elle est « aussi » machine – c’est que cette fonction ne lui est que « déléguée », elle n’en est pas la source, l’identité.
Ce qui lie des individus en peuple, ce n’est pas la force, ni même l’unité géographique, mais la reconnaissance de l’Autre dans sa différence individuelle comme un « moi-même » dans la pratique de ses valeurs.
Alors, si la Démocratie est pouvoir du peuple, doit on considérer que le peuple est un et ne peut donc avoir qu’un seul vouloir ? Ou doit on considérer qu’il est « composite », c'est-à-dire un à l’extérieur et multiple à l’intérieur, ce qui laisserait la place à plusieurs vouloirs ?
En résumé, existe-t-il une (des) minorité(s) ?
Si la réponse était non, il ne serait pas, alors, nécessaire de prendre en compte des critères d’éthique dans l’action Démocratique, puisque « le peuple étant unique et souverain » sa décision ne peut être remise en cause.
Le peuple – à l’inverse de la communauté – n’est pas une construction à posteriori, une reconnaissance d’un individu comme participant à un groupe, mais une identité à priori : un ensemble de critères identificatoires permettant l’identification à un groupe. La notion de peuple peut ainsi exister même en l’absence d’aucun individu participant à ce peuple.
Le peuple, tout comme l’individu, est une pratique en identification une fois-chaque-fois. On ne fait pas parti d’un peuple, on est identifié de ce peuple à chaque fois que l’identification est requise. Tout comme pour l’individu, la pratique de l’identification est pratique métaphorique (pratique du « il y a du ‘critère’ dans ce matériau ‘peuple’ »). Ce n’est pas la détermination d’une limite ou d’une frontière qui fait le peuple, mais le partage d’une philosophie (ensemble de pratiques et de matériaux).
L’aristocrate qui se pense séparé du peuple – du commun – est hors du peuple, mais dans la communauté. Car s’il ne partage pas les valeurs du commun, il participe à ses fonctions.
On peut alors se demander quelles sont les raisons déterminant le choix des matériaux et pratiques particuliers de cette philosophie ? Pourquoi l’Homme voudrait il être identifié comme « membre d’un peuple » ?
Si le peuple ne se définissait que par la présence sur un territoire commun, la notion de territoire ou de « communauté ayant pour fonction d’occuper ce territoire » suffirait. Il en irait de même s’il s’agissait de partager un idéal, un droit ou un bien. Si l’Homme veut participer à un peuple, ce ne peut pas être pour une fonction quelle qu’elle soit, mais pour être en identité identifié, pour participer à l’identité de ce peuple. Ce peuple là et non un autre. C’est en définitive la raison pour laquelle chaque peuple est unique : parce qu’il est pour que l’on soit en identité identifié.
Il n’est pas nécessaire d’être un même (famille) ou un complémentaire (communauté) pour être du même peuple, car on n’est pas d’un peuple à postériori par respect d’une étiquette, mais à priori par adhésion.
Que ce soit pour le peuple ou pour la communauté, l’individu reste présent soit simultanément, soit précédemment. En cela, ils diffèrent de la secte ou de la ruche qui nie l’individu pour le remplacer par un « je » commun – un « amaé »- ou un « je » délégué – un « gourou » -.
Le peuple se pense unique et réel, car il pense ses valeurs comme « en vérité », partagées universellement. C’est au nom de cette vérité des valeurs qu’il justifie la guerre et l’apartheid. L’apartheid est d’ailleurs constitutif du peuple puisque se voulant Un, l’Autrui – l’Autre qui est un ‘Je’ - est rejeté dans l’extériorité et traité comme tel.
Pourtant le peuple comme pratique en identité est philosophique et Mondain. Le choix des critères restant ponctuels et accidentels, lié à ce que l’on appelle l’Histoire.
L’individu restant au cœur du peuple, le vouloir de l’individu forme le vouloir du peuple. Seulement la vérité étant censée être une et universelle, le vouloir d’un individu du peuple, doit être le vouloir des autres puisque s’appliquant sur un Monde unique.
Toutefois la vérité - si elle est partage du Monde-, est-elle unique et universelle ?
Le peuple ne peut garantir – même s’il le croit – qu’il dispose de l’unique vérité, même s’il dispose visiblement d’un « partage du Monde ».
Ce qu’il peut garantir, c’est qu’il dispose d’une tradition – une pratique du partage du Monde -.
Le peuple ne peut éviter la multiplicité des vouloirs, il ne peut donc éviter, en démocratie, l’établissement d’une Majorité et de Minorités. Car il ne peut empêcher l’addition des « vouloirs le même » et leur identification comme différents des « vouloirs autres ». Une division qui si elle est coupure ne sépare pas le peuple en deux mais affirme une altérité (unilatérale).
Clandestinité ou anonymat
La clandestinité est cette pratique de la Minorité pour conserver son identité malgré le vouloir unifiant de la Majorité. Mais c’est une pratique commune, car chacun à un moment ou à un autre de son vécu participe à une minorité.
Bien souvent, les premières déclarations de « flammes amoureuses » se font clandestinement. Ici, c’est l’autorité du parent ou du tuteur, ainsi que celle de l’opinion des égaux, à qui l’on veut échapper. Clandestinement, mais pas anonymement, car si elles ne se font pas « au vu et au su de l’autorité », elles réclament d’être « en personne identifié comme l’auteur de la déclaration ».
La clandestinité n’est donc pas nécessairement synonyme d’anonymat.
En réalité, la clandestinité est presque toujours « en personne », et c’est parce ce qu’elle est une pratique qui « pourrait permettre une identification » qu’elle est clandestine : « hors de la vue et du su de l’autorité ».
Avec la clandestinité, vient toujours la question de savoir si l’autorité « à toujours raison ». La force qui exerce la règle et la loi est elle infaillible ?
Si oui, à la fois, « on ne pourra y échapper » et « y échapper serait pratiquer le mal » ; si non « comment contester l’autorité » ? Quels sont les accès dont dispose une personne pour contester « impunément » l’autorité ?
L’autorité, le « pouvoir d’agir sur autrui ou de faire agir autrui » est il nécessairement infaillible ? Ou même juste ?
Il est communément admis que non. L’autorité ne provient que de la Loi - une philosophie-valeur partagée et pratiquée par les coopérateurs -, et si celle-ci peut tenter d’approcher une certaine justice, elle ne peut, pas plus que la Vérité, être « adéquate au Réel » et doit se contenter de l’approximation et de sa possible soumission à l’erreur.
Il peut donc toujours y avoir une certaine légitimité – même si celle-ci n’est pas fournie par la Loi – de contester l’autorité.
Quelle motivation peut avoir la minorité à résister au pouvoir et à l’autorité ? Ce qui peut se traduire par « quel est le pouvoir du pouvoir sur la minorité » ?
Forcer à faire, forcer à être…
Nous savons que la Majorité à une tendance à la conformité, à l’uniformité et à vouloir l’imposer si nécessaire aux autres, l’inquisition étant un exemple extrême, mais la loi récente sur l’interdiction de fumer en est aussi une démonstration : les mêmes arguments justifiant son application n’étant pas, par exemple, appliqués à d’autres sujets (comme l’alcool).
La Majorité à une propension à rechercher une « pureté identitaire » lui évitant d’avoir à justifier ses valeurs et lui permettant de les considérer comme Universelles.
Mais nous avons maintenant un critère général de justification à la contestation de l’autorité de la Majorité. Puisque la Majorité détient l’autorité et que cette autorité peut être dans l’erreur, la Minorité peut la contester si son identité de Minorité est en jeu. Elle se doit même de la contester puisque sinon son existence comme Minorité est en cause : la Minorité n’est Minorité que depuis cette coupure qui l’identifie comme Minorité.
Quelles formes doivent prendre cette contestation ?
Il est assez clair que la forme de la contestation dépend de l’attitude de la Majorité.
Si celle-ci accepte l’expression de pratiques et de valeurs – identités de la Minorité – différentes des siennes, alors cette contestation ne sera qu’une visibilité : une présence au Monde.
Cependant, plus les règles édictées par le pouvoir et l’autorité seront strictes et contraignantes, moins la minorité disposera d’autres solutions pour simplement conserver son identité que la clandestinité.
La clandestinité est une production due à l’activité de la Majorité, activité visant à supprimer l’identité d’une Minorité (à travers ses pratiques et ses valeurs).
Le fort et le faible
La lutte des faibles contre les forts, de par sa définition même, est une lutte inégalitaire et déséquilibrée. Elle ne peut se permettre les règles de la chevalerie et les « règles de la guerre » sans renoncer à un possible succès – possible même si improbable -.
Maintenant, la pratique de la clandestinité est une pratique de la Minorité, mais pas nécessairement la pratique du plus faible.
Et justement, la seule pratique clandestine qui est également anonyme, est celle du « fort sur le faible », la pratique de l’État sur ces citoyens par exemple, où seule la fonction clandestine peut être identifié et non l’individu qui la pratique. Car cet individu n’a d’existence, pour l’État, qu’a travers sa fonction.
La clandestinité du fort reste toujours une pratique d’un minoritaire face à une majorité ayant l’autorité (le peuple dans le cas de l’État). L’État voulant alors une identité propre – même si la question de l’autonomie de l’État par rapport à son peuple peut, par ailleurs, poser problème -. Des états centralisés et jacobins comme la France, sont depuis longtemps tentés par la réification. Au début grâce une personnification à travers un dirigeant, puis de plus en plus sans aucun intermédiaires : seule la fonction ayant une identité (police en civil - voir police secrète -, comités et hautes autorités aux membres indistincts, administration informatisé ou a distance).
Alors le fort peut lui-aussi renoncer aux règles de la chevalerie pour prendre à son compte des « règles efficaces ». L’efficacité lui faisant renoncer à toute éthique.
L’état démocratique se dit sous l’autorité du Peuple mais son action cherchera alors à y échapper par « soucis d’efficacité » ou sous le coup du « secret d’état ». Il entre alors en « clandestinité ».
Les premiers usages fait par l’État concernaient la surveillance du peuple même par des services spécialisés, en France ont ainsi été crées les Renseignements Généraux (RG) directement et clandestinement rattachés au premier-ministre. Puis devant l’efficacité indubitable de la méthode, des services « actions » permettant à l’État, maintenant informé, d’agir – tout autant clandestinement – sur les organes actifs du même peuple – presse, associations ou syndicats -. Puis la défiance envers le peuple se propageant, l’État généralise la surveillance à toutes les activités du Peuple à travers des systèmes panoptiques, permettant en même temps la surveillance, le renseignement et l’auto-contrôle (Caméras et Vidéo Surveillance).
L’action clandestine de l’État peut également concerner d’autres États, là encore pour renseignement ou pour action. La clandestinité ne visant pas seulement à éviter le contrôle populaire – sensé être validé par la représentativité du gouvernement (représentativité bien indirecte en France par exemple où seul le chef de l’État est « populairement » désigné.), mais à éviter les représailles des autres États.
Clandestinité et résistance
Mais en soi, la clandestinité n’est pas lutte mais résistance, elle ne tente pas de contraindre l’Autre (la Majorité, l’autorité) à accepter son identité, mais seulement refuse de la perdre.
Toutefois là où la résistance peut se contenter d’être passive et admet d’être publique, la clandestinité est agir. Même s’il s’agit seulement de se cacher de l’autorité, la clandestinité est acte de masquer.
Bien sûr la résistance n’est pas seulement du coté de la clandestinité. Car il y a aussi une « résistance à la clandestinité » qui est une résistance de l’autorité à la « possibilité de résistance du clandestin ». Mais cette résistance-ci est de l’ordre de la lutte, elle veut l’application de la règle et le respect de l’autorité.
Elle le veut non pas spécifiquement contre la clandestinité, mais plus généralement comme lutte contre l’anarchie, l’absence de chef et de règles. Car il est dans la nature de la clandestinité qu’il soit difficile de lutter contre elle. La clandestinité n’est pas à la marge, elle n’est jamais marginale, elle est bien au contraire au cœur même du peuple, cœur qui bien que double reste un.
Et si l’autorité requalifie le clandestin comme partisan, résistant, anarchiste ou terroriste, ce n’est pour elle qu’un moyen de lutter. Car la lutte contre le clandestin passe par sa révélation, sa dénonciation, son identification.
Étant donné qu’il n’est que deux moyens de sortir de la clandestinité : son abandon par la minorité, ou sa révélation par la majorité.
Dans une éthique Machiavélienne, cela peut conduire l’autorité à recourir elle-même à des comportements clandestins, comme l’ouverture du camp de Guantanamo ou l’installation de portes dérobées sur les ordinateurs personnels connectés, pour lutter – avec toute l’efficacité nécessaire - contre la clandestinité. Les deux clandestinités cherchant à (re)donner du pouvoir à leur parti.
Seulement le clandestin ne peut être révélé sans perdre son identité. La révélation l’efface et le détruit. Son action ne peut être dirigée que vers sa pratique identitaire rendue impossible par l’autorité et son masquage, son rendu-invisible qui lui permet d’être-lui-même.
La majorité doit alors, elle-même, marquer son désaccord avec la pratique faite en son nom par une désobéissance civile qui est un non respect de la règle et de l’autorité mais affirmée publiquement et donc absolument pas clandestine. Cette désobéissance pourra prendre la forme d’une imitation des pratiques et valeurs minoritaires ou au moins par la défense active de celles-ci. L’imitation n’ayant pas ici le but de la moquerie et de la caricature, mais la forme du respect et du soutient.
Et c’est depuis cette pratique de la Majorité, que la Minorité clandestine pourra retrouver sa présence au Monde et le peuple son unité.
Réponses (1)
Anne-Françoise Schmid
26/12/2008 à 14:48
Cher Jean-Michel,
il nous faut encore tes abstracts, français et anglais (une dizaine de lignes chacun) et des mots-clés,
amicalement,
Anne-Françoise
il nous faut encore tes abstracts, français et anglais (une dizaine de lignes chacun) et des mots-clés,
amicalement,
Anne-Françoise