Clandestins sous le Soleil. L’homme hors du politiquement in/correct de la suffisance libérale
17/12/2008 à 16:04
Par: Erik Del Bufalo
Clandestins sous le Soleil. L'homme hors du politiquement in/correct de la suffisance libérale par Erik Del Bufalo
Le professeur James Watson, prix Nobel et pionnier de la découverte de l'ADN, a fait récemment l'objet de la critique la plus tenace à Londres pour ses considérations sur la génétique, voire sur une certaine anthropologie suspecte. Il a soutenu que les Africains étaient moins intelligents que leurs « semblables » Européens. Cette opinion a eu comme conséquence immédiate la suspension d'une de ses conférences scientifiques par le Science Museum londonien qui a affirmé que le Dr. Watson « est allé au-delà du point de débat acceptable » (beyond the point of acceptable debate).
1. Au-delà du point de débat acceptable : la limite morale de la philosophie.
La langue de bois est aussi une langue. Cela n'empêche pas qu'une certaine rectitude politique ou qu'un discours politiquement correct (PC) soit une façon efficace d'interdire de parler. En France, la loi Gayssot, du 13 juillet 1990, accompli remarquablement ce paradoxe. « Discuter » sur une vérité touchant ce qui est établi légalement comme « crime contre l?humanité » est aussi un crime que l'on ne peut plus discuter à son tour. Néanmoins, la persécution pénale d'un type particulier d'opinion est plutôt une exception à l'acceptation planétaire des opinions, ne fût-ce qu'à l'insu d'une présumée tolérance égalitaire et ubiquitaire.
Un sujet politique peut devenir clandestin dans un contexte de conspiration, complot, subversion, cabale, intrigue contre un certain état de légalité, mais aussi, il le peut par choix, comme dans le cas des sociétés secrètes dont l'existence n'est d'ailleurs pas forcément illégale. Dans ce dernier cas, le problème n'est pas formellement ? au moins au premier abord ? la légalité, mais l'opinion prépondérante dans une communauté. Or, dans un système « pluriel », comme la démocratie libérale, où rien n'est censé être plus fourmillant que les opinions, si clandestinité de pensée il y a, c'est donc en rapport à l'essence de l'opinion elle-même et non plus en relation à une opinion dominante particulière. Dans cette dernière éventualité il s'agit plutôt de secret que d'hérésie, même si, en dernier ressort, tout secret est une hérésie par décision, plutôt que par anathémisation. Le recours à la multiplication de l'opinion, dans le sens où tout doit être susceptible d'une opinion moralement acceptable, est un phénomène qui constitue la limite d'une régression infinie, ainsi que le symptôme d'une amphibologie fondamentale. En effet, dès qu'il n'y a plus d'anathème, l'hérésie est impossible aux yeux du pouvoir temporel du monde. Elle devient seulement possible du point de vue de la liberté des sujets qui réclament le droit à l'hérésie.
Au-delà de la loi Gayssot, laquelle seulement interdit un type de militance politique et d'examen historique très spécifiques, l'exclusion communicative des énoncés et des discours advient, non plus par la loi, mais par la relativisation nihiliste d'une position politique donnée. L'origine de cette fragmentation, voire partition ? soit en parties, soit en partis ? de la vérité politique, dans le « débatisme » bourgeois ? la bourgeoisie étant le classicisme de toutes les classes ? n'est qu'une Décision philosophique (Dph) qui tend à favoriser la « mort de la philosophie » dans le relativisme absolu des solutions politiques. De ce relativisme nous dégageons un principe de vexation suffisante qui s'annonce, sans se réclamer ou faire les preuves de talent purement philosophique, comme l'ordre ultime d'un prétendu consensus social auto-proclamé par la métaphysique libérale.
Dans ce consensus sui, dans ce système minimal des vérités relatives, le maximum de l'opinion doxomorphique se produit sur le plan du « débat », en tant que norme, ou plutôt canon, invariable des variations pseudo infinies de la divergence des « prises de positions » sur un sujet quelconque, même scientifique ou théorique, dont la position est déjà donnée à partir d'une disposition toujours discutable. Discutabilité et Liberté forment une dualité transcendantale qui agence l'existence du régime philosophico-libéral, et dont le terme permettant sa systématicité est donné par l'Inacceptable. Dans ce sens précis, racisme et parlementarisme font une unité politique ou philosophicomondaine en tant que ces termes soulignent la forme d'un objet unique, bien qu'inintelligible, philosophiquement acceptable et moral : la démocratie du débat, voire le pouvoir par discussion. Ici, le débat, qui accepte seulement une certaine idée de vérité, est un principe que la démocratie n'est pas prête à discuter. Là, le surnaturel « esprit démocratique » ne peut guère tolérer, dévoilant une facture voisine du délire intransigeant, tout mépris pour le débat.
Peut-être est-ce à cause de cela qu'Ernst Jünger, avant la deuxième guerre mondiale, affirma de la démocratie libérale qu'elle s'était toujours érigée simplement comme le « système des opinions d'autrui ». Le champ au-dehors du « débat acceptable » (DA) ne se débat pas, car il appartient à autrui ; il souffre d'une aliénation toujours évanescente. Il y a dans ce principe une moralité première dont toute philosophie, « respectueuse de la démocratie », doit se réclamer. Or, comme celle-là est première, celle-ci ne peut que se fonder dans un discours autre qu'elle-même. Cette aliénation fondamentale de la philosophie par rapport à elle-même, sous l'emprise souple du libéralisme, constitue une nouvelle force de vérité politique dont la portée outrepasse inévitablement le point de débat acceptable, alors qu'elle va au-delà du débat lui-même jusqu'à la piété indiscutable d'une philosophie morale et d'une morale philosophique hors débat. Pas même la mort de Socrate n'aura pu mettre en évidence, de manière si efficace, ce pouvoir de la vexation par rapport à la philosophie. Nonobstant, cette nouvelle forme de honte morale et politique ne se fonde plus sur « l'impiété », ni sur l'illégalité politique ou sur la négation de la religion, mais, seulement, sur l'autorité auto-affirmative d'une certaine indignation vulgaire. Indignation, d'ailleurs, politiquement et médiatiquement représentée dans un système parlementaire univoque, bien que supposé pluriel ; celui des « opinions d'autrui ».
La cession éthique de la philosophie sur la morale démocratique ne se soutient guère si la démocratie, à son tour, ne peut pas jouir d?une autorité fondatrice et argumentative, voire intrinsèquement philosophique. Donc, il ne s'agit plus d?une simple moralité, fondée sur la religion ou la tradition, mais, plutôt, sur le moralisme d'une raison philosophique, parvenue des Lumières et de la Révolution Française, qui se fait l'indice non raisonné ou ultime de tout bien et de tout mal.
2. Le « débatisme » transcendantal et l'origine animale de la démocratie.
Le parlementarisme, ou ce que Donoso Cortés, célèbre rationaliste contre-révolutionnaire du dix-neuvième siècle espagnol, appelait sans ambages la domination de « la classe discuteuse » (la clase discutidora), la bourgeoisie, est naturel au système de la démocratie philosophique. Les lumières de la Raison défendent d'interdire la libre expression des idées ; de fait, il n'a plus de vérités clandestines. La censure ne vient plus du décret ou de l'ordonnance d'un fonctionnaire de l'Église ou de l'État, mais plutôt de la simple répulsion ou damnation par « l'opinion publique », en tant qu'elle est censée garantir la vérité philosophico-politique du libéralisme. Or, ceci suppose une nouvelle catégorie de clandestins du point de vue politique : non plus de hors-la-loi, mais, pire, de hors-la-raison-suffisante de la philosophie comme « bon sens » du Réel. Depuis le matériau philosophique de l'irrationaliste Joseph de Maistre, nous postulons théoriquement le principe d'effacement des vérités non-philosophiques et de quasi-criminalisation des constructions théoriques étrangères au libéralisme rationaliste des démocraties contemporaines. Pour nous le « politiquement correct » n'est qu'un cas du « philosophiquement suffisant » de l'ordre mondial actuel. Contre le « débat acceptable » et, plutôt, contre le débat tout court, le débat sans phrase, le « débatisme », possède une signification transcendantale, première et conditionnelle, dans le système « ouvert » de la démocratie libérale.
Pour nous le libéralisme comme théorie politique est seulement un donné de la philosophie et, dans ce cas, un contenu empirique que la philosophie de l'absolutisme, dans sa critique, préjuge comme une position particulière sur le Réel. De ce point de vue, l'origine de la démocratie est naturelle, voire sauvage ou animale. Elle est le système naturel de l'animal rationnel, de l'animal parlant, de l'animal débatteur, du du ???? ????? ???? de la philosophie grecque. Cette biopolitique qui ne cesse de postuler l'animalité rationaliste de l'homme trouve, à la fin de l?histoire démocratique, son système politique dans le « contrat » du constitutionalisme, comme pacte social et convention des sujets zoologiques autant que logiques libres et souverains.
La lumière naturelle ne saurait jamais avoir une origine historique. Or, ce n'est que l'histoire ? dans sa lutte pour la liberté d'après le précepte moderniste ? qui a créé ce concept. Joseph de Maistre trouve ici le point fondateur, autant que paradoxal, de la démocratie libérale. Pour le penseur savoisien, la démocratie a comme prétendu fondement un « paradoxe » : le « contrat social » est premier par rapport à la société. Entre la boutade et le sophisme, Maistre, articule une critique acérée de la sociologie philosophique des Lumières. Il commence par supposer le dit « droit naturel » des « sauvages » en tant qu'origine exceptionnelle de la civilisation de la raison. Sa critique récapitule en apories le mythe contractuel ou constituant des démocraties représentatives :
Dans la « glace » ancestrale d'« un grand échiquier » les hommes vivaient comme des individus souverains de leur droit naturel avant même la « naissance des sociétés ». Mais, « dès qu'un homme et une femme sauvages ont vécu quelque temps ensemble, il faut agrandir la hutte ». Etant donné le péril naturel de la biologie sur la démographie, le bon sauvage pu s'apercevoir juste à temps qu'une multitude des hommes primitifs commencèrent à peupler la terre « jusqu'aux dernières bornes des déserts les moins habités », sans qu'aucun contrat social n'ait pu régler ses affaires. « Pour prévenir cet inconvénient monstrueux », les hommes sauvages se sont repoussés les uns aux autres sur toute la planète pendant des « siècles », et l'on a su soutenir jusqu ?à la limite du possible la légitimité absolue de « l'état de nature». Mais à l'aube d'un jour imprécis, un homme de la souche révolutionnaire des « novateurs turbulents » a décidé, sans motif suffisamment clair ou distinct et voulant « changer uniquement pour changer », de convier tous les hommes naturels « de l'univers » à la première assemblée constituante de la société, laquelle était censée instaurer le premier « contrat ». Cela a eu lieu, parait-il, sur « un petit îlot marécageux formé par une rivière qui est devenue par la suite extrêmement célèbre », puisqu'elle s'est révélé être, contre la simple tradition philosophique des Hellènes, la crèche du « philosophisme » constitutif et démesuré des sociétés modernes. Lorsque tout était prêt pour commencer la première grande discussion qui donnerait naissance à l'Histoire ? suit la narration maistrienne ? tous étaient réjouis d'entreprendre un si important débat, instaurateur du nouveau régime civil. Mais, faute de ne pas être suffisamment prévoyant, ces hommes primitifs se sont aperçu avec une « confusion horrible » que l'on n'avait encore pas inventé la « parole ». Cette première constatation est venue d'une « motion d'ordre » inopinée par un membre très critique et schématique, récemment réveillé du sommeil dogmatique de la vie naturelle : « Messieurs, dit-il, j'ai lieu de m'étonner que, par une synthèse téméraire et de raisonnements a priori tout à fait intempestifs, vous ayez imaginé d'instaurer la société avant d'avoir pensée aux moyens de l'utiliser. Je vais soulever une difficulté qui pourra vous effrayer ; mais le danger est si conséquent qu'il m'est impossible de vous rien cacher. Croyez-moi, Messieurs, il y a de l'avenir dans ce que je vais vous dire. L'état social, bon sous certains rapports, ne vous dégradera pas moins sous d'autres, en vous mettant dans la nécessité presque habituelle de penser. Or la pensée n'est qu'une perpétuelle analyse, et il n'y a point d'analyse sans méthode pour l'opérer. Cependant, où est cette méthode sans laquelle vous ne pourrez penser ? Je demande qu'avant tout on invente la parole. » Pour « acclamation » tous ont commencé, par des « idées simples et l'onomatopée », à construire le langage politique tout autant que la langue commune dans le cadre du contrat social qui a donné origine à la culture et à la société qui progressivement est devenue notre démocratie mondiale.
Ce paradoxe maistrien fait la critique, donnée dans un futur antérieur, du darwinisme social et biologique de la démocratie foncièrement langagière autant que naturaliste. Seulement comme point initial du débat (DA), dont on doit toujours présupposer « l'égalité des conditions », l'homme est censé avoir une origine simiesque. Si naturelle est l'origine de la démocratie libérale que même l'essence de l'homme, selon elle, a été postulée par l'anthropologie classique de la philosophie ? l'homme est un animal parlant ? et, ne peut venir qu'après le contrat social. Cette sauvagerie paradoxale et constituante naturalise aussitôt l'esprit des citoyens apprivoisés par la métaphore aristotélicienne (animal raisonnable), où des nouvelles forces amphibologiques (animal / discuteur ou animal / débateur) fournissent le cadre d'une philosophie de l'opinion commune et générale qui fait d'ellemême le critère ultime de toute pensée du politique et de toute politique de la pensée.
3. Le principe de vexation suffisante
Tout homme est clandestin dès qu'il s'énonce hors du champ de débat acceptable. Et comme le débatisme est foncièrement supposé « universalisme » de l'essence libérale de la démocratie, la vraie universalité de l'homme gît dans un univers indiscutable, voire unilatéral (Uni-vers) par rapport à tout débat possible. D'ailleurs, l'essence du monde n'est que la tenaille infinie d'une dispute interminable, et son essence nous vient représentée par une « double pince » qui règle d'une façon à la fois aprioristique et empirique les thèses, les thèmes, les sujets, les opinions et les pourparlers dans un système qui se veut plausible comme mixte du Réel et du débat ; ceci constitue l'essence du philosophisme moderne. Comme si ? et c'est plus qu'une métaphore ? l'Univers étais censé incarner un parlement planétaire. De la sorte, « droite » et « gauche », conservateurs et progressistes, girondins et jacobins, républicains et socialistes, majorité et minorités, bref des alternatives et amphibologies dyadiques, ne forment qu'un seul ordre conformiste : l'ordre mondial et global, où toute action politique qui outrepasse les bornes de la chicane parlementaire et s'impose ainsi, en tant que vérité, unilatéralement selon le Réel, est marquée du sceau de la clandestinité.
Dans cette médiocrité de la pensée, la philosophie, comme décision naturaliste de l'essence du Réel, ne s'affaibli pas ; au contraire, elle se fait plus vigoureuse au fur et à mesure que son emprise égale la puissance du sens commun, parce qu'elle se fait le sens commun lui-même. C'est pour cette raison que Lacan ? qui portait le libéralisme et le philosophisme jusqu'à l'analyse de l'inconscient ? affirmait que l'homme a réussi à marcher sur la surface de la Lune sans que le lecteur des journaux devenu philosophe ? et vice-versa ajouterons-nous ? se soit grandement étonné.
Dans le libéralisme, le discours politique ne se différencie guère de l'opinion publique, de même l'opinion publique ne se distingue plus du philosophisme moral. Ce que Sieyès dénonçait comme la limite d'une science du politique, « la confusion de la langue vulgaire avec la langue philosophique » ? confusion d'où l'on peut tracer l'origine dès l'effort platonicien pour délimiter l'épistème de la simple, mais puissante, doxa ? se constate de nos jours comme le véritable pouvoir « idéologique » de la démocratie représentative. Dans ce système, toute personne est forcée de devenir un petit philosophe et tout philosophe un grand moraliste.
La langue politique, placée entre le journalisme transcendant de l'intellectuel et le journalisme transcendantal des médias, s'amalgame à langue de la furtive opinion publique autant qu'à celle de la philosophie. « Apologie du terrorisme », « négation de l'Holocauste, du génocide et des crimes contre l'humanité», « incitation au racisme », « offense aux minorités », « secours au fondamentalisme », « sexisme et usage sexiste de la langue », « négation des valeurs républicaines », « mépris pour les droits de l'homme », etc., sont certainement de syntagmes politiques, mais leur prétendue validité outrepasse « la langue du législateur », engageant aussi la langue des journalistes comme la langue du philosophe, devenu publiciste de l'ordre mondial. Inutile de chercher dans une pure consigne comme « liberté, égalité fraternité » le fondement ultime d'un principe théologique qui a longtemps négligé l'idée d'un ???? quelconque. À la base de l'absolutisme sans absolu de la démocratie planétaire, il n'y a pas un fondement indiscutable, mais le perpétuel et multiple commencement philosophique dont le naturalisme moral ne cesse de temporiser, sauf provisoirement comme dans les fables contractuelles, la légitimité de ses décisions. Ce cercle vicieux de l'intelligence libérale, qui subsume toute philosophie possible, nous l'appelons, étant donné son auto-position métaphysique, Principe de Vexation Suffisante (PVS). Toute pensée qui viole ce principe se fait déjà clandestine par rapport au jugement philosophique du monde, soit qu'il la dénonce comme moralement inacceptable, soit comme politiquement incorrecte.
À cause du libéralisme, et de son principe fondamental (PVS), « l'homme ordinaire » n'existe plus dans l'ordre du monde. L?homme sans opinions, sans penchant au débat, sans convictions discutables, indifférent à l'irréalité de la parole parlementaire, sans publicité et sans position, est abominable du point de vue de l'anthropologie des golems rationnels et standardisés du mondialisme démocratique. L'ordinaire étant seulement le symptôme de l'impuissance de l'extraordinaire (hors de l'ordre du monde), « l'homme démocratique », selon ces lumières philosophiques, jouit de la même infatuation morale du philosophe et de la même fierté langagière du débateur rationaliste, qui est toujours trop convaincu par la cohérence incontestable de son ignorance. Ainsi, le relativisme philosophique de l'opinion dans le cadre dogmatique de l'ordre moral, ne doit pas délibérer sur sa discursivité. Son auto-légitimité provient de la liberté du petit philosophe citoyen, à condition, certes, que l'on respecte la liberté d'opinion en tant qu'institution ultime de toute philosophie, et même si la philosophie défie ? avec grandes difficultés ? sa propre philosophabilité, l'opinion ne néglige guère sa philosophaillerie.
Certainement que la démocratie libérale peut réclamer sa légitimité du fait d'être le seul système qui permette sa propre critique infinie ; autant dire qu'il n'y aurait pas un principe positif, mais seulement une position de jure qui l'autonomise de toute théorie ou analyse. Cette essence auto-négative est toute proche, sinon égale, à l'essence de la philosophie. Et, pour ce qui est du respect de la liberté, en supposant qu'il s'agisse d'une vraie liberté de droit, personne ne peut me donner le droit de dire ce que je veux sans que, à son tour, il décide pour moi quel est mon droit. La liberté de l'opinion, donc, son auto-donation des contenus et son auto-position des jugements, ne fait de la liberté qu'une simple opinion, dont le secours et le salut se trouvent toujours dans une philosophie qui défend la ruine de cette amphibologie générative de la politique mondiale. Voici qu'une certaine idée d'immanence se produit entre « opinion » et « liberté », dont la liberté d'opinion n'est qu'un cas de figure. Liberté, certes, qui ne s'oppose pas au scandale dans la pensée. Or, une pensée en dernière instance seulement éthique, voire une pensée sans scandale qui n'ait pas un principe moral, ou pratico-mondial, comme celui de sa genèse, n'est pas possible dans la philosophie. Le politique parlementaire, devenu un petit prince plus cynique que machiavélique, ne fait que constater, dans sa suffisance morale et pseudo-partisane, la criminalité médiocre, rationnelle et politiquement correcte d'un philosophisme social assez répandu.
4. Contre le débat libéral, la polémique-de-dernière instance
Dans le libéralisme, vu le monde de la morale philosophique et la philosophie de la pensée moraliste ou naturaliste du monde, le débat peut signifier seulement l'ajournement sine die de la lutte dans la discussion perpétuelle ; tandis que la polémique est la vraie parole de la lutte et, en tant que telle, devient nécessairement éthique et philosophiquement clandestine.
Dans l'immanence libérale de l'impotence et du bavardage se dresse le débat mondialiste, interdisant, puisque politiquement incorrecte, toute polémique contre l'idée de démocratie. La nature rien que verbale de la tolérance démocratique mondialisée est la mise en scène d'un pouvoir dépourvu d'une quelconque effectivité sur le réel, bien que sa domination soit efficacement irréelle. L'arme principale dans ce « débatisme » est la conviction et non plus, sauf en dernier ressort, la répression. Mais, convaincre signifie, d'emblée, vaincre avec la complicité du vaincu. De telle sorte que, tout accord politique, né de convictions morales ou philosophiques, constitue, parce qu'il escamote la possibilité de la lutte, une dévastation discrète, morne et sans scandale, de toute vérité politique. La victoire (sans combat) d'un prétendu contrat social (sans hommes) fait de toute énonciation politique une déclaration du nihilisme et de sa complaisance. Cela présuppose aussi un certain type de subjectivité philosophique dont la forme simple et fondamentale est donnée par la supposition existentielle d'un individu libre et souverain dont l'origine est naturelle ou biologique. Celui-ci constitue l'anthropoïde essentiel de la sociologie et de l'ontologie libérales. Cet individu, à la fois cartésien et pascalien, si bien supposé accepter l'effondrement métaphysique de l'Univers infini, ne peut sous aucune condition renoncer à agir comme centre ptolémaïque des opinions, des idées et des convictions d'autrui ; bref, le monde, ne fut-ce que son monde à lui, devient égal à son idée la plus intime. Il est, par ce biais paradoxal, obligé de devenir le centre d'un véritable infini vicieux et, à cause de cela, son impuissance devient interminable et sa responsabilité malingre ; il lui reste seulement à discuter, pour se consoler.
Cette volonté d'impuissance du libéralisme ne peut pas accepter une polémique dont la vérité et la pertinence n'apparaissent pas données par la discussion rationnelle des contradictions les plus futiles. Cette démocratie du sens commun et du bon sens, dont le centre est l'individu communiquant à la circonférence nulle, ne peut pas accepter la faute de dialectique, ne fut-ce que la dialectique de la causerie vulgaire, entre le débat et le Réel. Le débat vient d'une position arbitraire ou suffisante à soi, tandis que la polémique est essentiellement unilatérale et sa pertinence identique à sa lutte. Dès lors qu'une vérité se dérobe au « débat démocratique » elle est étiquetée de terroriste, fanatique ou fondamentaliste, bien qu'elle soit seulement ? ou tristement ? politiquement incorrecte.
La philosophie, le capitalisme et le libéralisme partageant la même structure, la négation naïve et bureaucratique de leur validité ne fait que reproduire sans relâche les apories de leur dépassement possible ou utopique. Ceci a été le cas du bolchevisme et du fascisme historiques, dont le produit final ne fut que la maximisation de la démocratie libérale et le renforcement de l'esprit bourgeois ou débateur ; de la même manière que, en censurant le racisme, l'intelligence libérale éperonne sa croyance et, au contraire de le rendre inefficace, elle le perfectionne. Ainsi, dans le libéralisme, l'on peut, certes, s'exprimer librement, mais à condition que cette liberté soit équivalente à sa contradiction. Autrement dit, si toute vérité est relative, le relativisme devient absolu.
La bataille ridicule de cette « action communicative » est le symptôme d'une guerre, quoique stupide, fort farouche. Tout se passe comme si l'insuffisance des assemblées, des débats, du droit à la parole, des pourparlers, des accords, et des compromis heurtait la « paix perpétuelle » des humains. Mais, à la rigueur, est-ce bien l?Homme cet être hystérique, discoureur et impuissant qu'imagine la démocratie libérale ?
De ce point de vue, avec les « droits de l'homme », inhérents à l'État mondial, y compris et surtout à la liberté d'expression, l'on devient plus humain à mesure que l'on fait preuve de son penchant rationaliste, dés?uvré, critiqueur et débateur. Or, il y a une autre force de vérité silencieuse ; silencieuse puisque, sans rien dire, elle est la cause seulement réelle, et non langagière, de toute parole authentique qui mène sa propre lutte dans le maquis, purement humaine et au-delà des droits immanents au libéralisme et à la falsification des sujets. Cette force clandestine s'exprime, sans débattre de ses engagements, contre la bêtise de la classe discuteuse. L'expression de cette lutte est la polémique-dedernière-instance.
La parole de toute lutte est polémique, voire indiscutable, dès qu'elle vient seulement du Réel. La polémique est sommaire par rapport à toute rectitude politique, à tout débat rationaliste qui postule une proportion entre l?Homme et la politique, de même qu'entre la vérité et la simple discussion des arguments. Ainsi, la polémique est la force de discussion qui ne discute en aucun cas sa vérité.
Comme le libéralisme n'est que l'arrangement dyadique des vérités politiques dans un système stable, homogène et stérile, la vraie polémique est radicalement indifférente à toute conception et à toute position parlementaire de la liberté ; car le parlementarisme (la causerie politique) subsume dans la dyade droite et gauche toutes les amphibologies du monde, dont un autre dyade, peuple et représentativité, assure sa double pertinence dans l'amphibologie légitimité et légalité. La polémique-de-dernièreinstance révèle, grâce à sa révolte unilatérale et indiscutable, l'occasion de sa lutte, de son combat, pendant que son sujet non-philosophique ne peut que rester clandestin vis-à-vis de la rationalité d'État et de l?intelligence libérale qui capitalisent toute philosophie, voire toute impotence de la décision sur le Réel.
5. La démocratie clandestine
La « pensée unique » est unique par son essence dyadique (dont le penchant discoureur est mené jusqu'à la dialectique du Réel et de l'opinion politique et dont la politique, à son tour, n'est qu'une opinion possible). Ce caractère libéral de la démocratie mondiale, voire du monde capitaliste et son philosophisme naturel, est censé être une « notion universellement incontestable ». Celle-là est une banalité dont on est toujours supposé partir pour ne jamais en sortir, que l'on soit de droite comme de gauche. Cette acceptation par impuissance, plutôt que « par convention », de l'amphibologie formée par la distinction classique entre l'état civil libéral et l?état de nature sauvage, telle que le paradoxe maistrien la montre, comme convention aprioristique en relation à l'homme ? y compris le marxisme qui rapporte déjà la nature à l?état politique ? constitue la limite, au sens philosophico-moral, de la pensée politique.
Indifférent à cette limite, le Clandestin est tout sujet qui ne cède pas au contractualisme philosophique, c'est-à-dire, tout sujet en lutte qui soit identique en-dernière-instance à la lutte donnée. Autrement dit, l?homme qui unilatéralement lutte contre le monde sans que le monde soit capable, à son tour, de discuter la validité de sa lutte. Étant pensée incompressible à l'intelligence libérale ou philosophique, sa lutte devient secrète autant que subversive. Étant pure immanence sans rapport à la double pince du monde, il relève d'une légitimité sans contestation et d'une pertinence sans justification. Étant hérésie secrète, voire indomptable, mais en relation à la fausse autorité du philosophisme, il est un ancien cathare qu'aucun papiste du monde moderne ne peut anéantir.
La démocratie unilatérale vient de la subversion polémique de ce Sujet uniquement identique au réel du politique ; autrement dit, elle vient d'un peuple sans représentant dont le pouvoir constituant est uniquement unilatéral, et dont l'indignation radicale est inacceptable pour le « débatisme » (CDA) et pour la rectitude politique (PC). Mais cette clandestinité de l?homme est aussi son pouvoir. Le Clandestin, étranger au monde, au libéralisme et au capitalisme, ne se soulève pas par une simple position idéologique (déjà subsumée par la démocratie mondialisée), mais sa rébellion est plus puissante et efficace que l'infructueuse et pusillanime « révolte citoyenne », et dont la légitimité ne peut être que transcendantale par rapport au champ du débat acceptable et de la légalité surgie d'un contrat social trop amphibologique pour jouir de l'acceptation des humains clandestins. Cette rébellion, identique à son essence indiscutable ou unilatérale, fait de l'Homme un clandestin radical pour l'essence libérale, voire vainement trouble, du monde.
Contre la simple vexation de la démocratie des opinions purement d'autrui, voire la démocratie du philosophisme contractuel, opère la force de dignité constituante et constitutive des Clandestins. Leur action est double mais unilatérale : par leur force constituante, ils ont une puissance de vérité qui appauvrit jusqu'à sa déficience la limite moraliste du Monde (philosophisme, libéralisme, capitalisme), c'est-à-dire, le Champ du Débat Acceptable (CDA) dont le fondement sans cause est donné par le Principe de Vexation Suffisante (PVS). Or, par leur force constitutive, les Clandestins ont aussi une fermeté éthique et politique qui, étant identique en-dernière-instance au réel de la lutte, peut s'organiser au-delà du monde (CDA) ; par conséquent, ils jouissent d'une légitimité avant-première qui ne se fonde pas sur des mythes dialectiques ou des amphibologies philosophicomorales, mais sur l'unilatéralité de la pertinence de leur lutte.
Le gouvernement des Clandestins s'exerce ainsi sur l'horizon d'un héroïsme réel qui franchit déjà, de jure et de facto, le gouvernement légalement fabuleux du débat nihiliste. Puisque les Clandestins ne discutent pas le réel de leurs vérités, ils rendent empiriquement possible la décision politique de-dernièreinstance ; celle qui suspens toute fausse autorité du monde libéral dans l'action purement libératrice de la dictature des humains.
Cf. The Independent, Londres, 18 octobre 2007.
Cf. Joseph DE MAISTRE, ?uvres. Édition établie par Pierre Glaudes. Editions Robert Laffort, Paris, 2007, pp.141-146.
Cf. François Laruelle, Introduction au non-marxisme, Paris, PUF, 2000, p. 122
Le professeur James Watson, prix Nobel et pionnier de la découverte de l'ADN, a fait récemment l'objet de la critique la plus tenace à Londres pour ses considérations sur la génétique, voire sur une certaine anthropologie suspecte. Il a soutenu que les Africains étaient moins intelligents que leurs « semblables » Européens. Cette opinion a eu comme conséquence immédiate la suspension d'une de ses conférences scientifiques par le Science Museum londonien qui a affirmé que le Dr. Watson « est allé au-delà du point de débat acceptable » (beyond the point of acceptable debate).
1. Au-delà du point de débat acceptable : la limite morale de la philosophie.
La langue de bois est aussi une langue. Cela n'empêche pas qu'une certaine rectitude politique ou qu'un discours politiquement correct (PC) soit une façon efficace d'interdire de parler. En France, la loi Gayssot, du 13 juillet 1990, accompli remarquablement ce paradoxe. « Discuter » sur une vérité touchant ce qui est établi légalement comme « crime contre l?humanité » est aussi un crime que l'on ne peut plus discuter à son tour. Néanmoins, la persécution pénale d'un type particulier d'opinion est plutôt une exception à l'acceptation planétaire des opinions, ne fût-ce qu'à l'insu d'une présumée tolérance égalitaire et ubiquitaire.
Un sujet politique peut devenir clandestin dans un contexte de conspiration, complot, subversion, cabale, intrigue contre un certain état de légalité, mais aussi, il le peut par choix, comme dans le cas des sociétés secrètes dont l'existence n'est d'ailleurs pas forcément illégale. Dans ce dernier cas, le problème n'est pas formellement ? au moins au premier abord ? la légalité, mais l'opinion prépondérante dans une communauté. Or, dans un système « pluriel », comme la démocratie libérale, où rien n'est censé être plus fourmillant que les opinions, si clandestinité de pensée il y a, c'est donc en rapport à l'essence de l'opinion elle-même et non plus en relation à une opinion dominante particulière. Dans cette dernière éventualité il s'agit plutôt de secret que d'hérésie, même si, en dernier ressort, tout secret est une hérésie par décision, plutôt que par anathémisation. Le recours à la multiplication de l'opinion, dans le sens où tout doit être susceptible d'une opinion moralement acceptable, est un phénomène qui constitue la limite d'une régression infinie, ainsi que le symptôme d'une amphibologie fondamentale. En effet, dès qu'il n'y a plus d'anathème, l'hérésie est impossible aux yeux du pouvoir temporel du monde. Elle devient seulement possible du point de vue de la liberté des sujets qui réclament le droit à l'hérésie.
Au-delà de la loi Gayssot, laquelle seulement interdit un type de militance politique et d'examen historique très spécifiques, l'exclusion communicative des énoncés et des discours advient, non plus par la loi, mais par la relativisation nihiliste d'une position politique donnée. L'origine de cette fragmentation, voire partition ? soit en parties, soit en partis ? de la vérité politique, dans le « débatisme » bourgeois ? la bourgeoisie étant le classicisme de toutes les classes ? n'est qu'une Décision philosophique (Dph) qui tend à favoriser la « mort de la philosophie » dans le relativisme absolu des solutions politiques. De ce relativisme nous dégageons un principe de vexation suffisante qui s'annonce, sans se réclamer ou faire les preuves de talent purement philosophique, comme l'ordre ultime d'un prétendu consensus social auto-proclamé par la métaphysique libérale.
Dans ce consensus sui, dans ce système minimal des vérités relatives, le maximum de l'opinion doxomorphique se produit sur le plan du « débat », en tant que norme, ou plutôt canon, invariable des variations pseudo infinies de la divergence des « prises de positions » sur un sujet quelconque, même scientifique ou théorique, dont la position est déjà donnée à partir d'une disposition toujours discutable. Discutabilité et Liberté forment une dualité transcendantale qui agence l'existence du régime philosophico-libéral, et dont le terme permettant sa systématicité est donné par l'Inacceptable. Dans ce sens précis, racisme et parlementarisme font une unité politique ou philosophicomondaine en tant que ces termes soulignent la forme d'un objet unique, bien qu'inintelligible, philosophiquement acceptable et moral : la démocratie du débat, voire le pouvoir par discussion. Ici, le débat, qui accepte seulement une certaine idée de vérité, est un principe que la démocratie n'est pas prête à discuter. Là, le surnaturel « esprit démocratique » ne peut guère tolérer, dévoilant une facture voisine du délire intransigeant, tout mépris pour le débat.
Peut-être est-ce à cause de cela qu'Ernst Jünger, avant la deuxième guerre mondiale, affirma de la démocratie libérale qu'elle s'était toujours érigée simplement comme le « système des opinions d'autrui ». Le champ au-dehors du « débat acceptable » (DA) ne se débat pas, car il appartient à autrui ; il souffre d'une aliénation toujours évanescente. Il y a dans ce principe une moralité première dont toute philosophie, « respectueuse de la démocratie », doit se réclamer. Or, comme celle-là est première, celle-ci ne peut que se fonder dans un discours autre qu'elle-même. Cette aliénation fondamentale de la philosophie par rapport à elle-même, sous l'emprise souple du libéralisme, constitue une nouvelle force de vérité politique dont la portée outrepasse inévitablement le point de débat acceptable, alors qu'elle va au-delà du débat lui-même jusqu'à la piété indiscutable d'une philosophie morale et d'une morale philosophique hors débat. Pas même la mort de Socrate n'aura pu mettre en évidence, de manière si efficace, ce pouvoir de la vexation par rapport à la philosophie. Nonobstant, cette nouvelle forme de honte morale et politique ne se fonde plus sur « l'impiété », ni sur l'illégalité politique ou sur la négation de la religion, mais, seulement, sur l'autorité auto-affirmative d'une certaine indignation vulgaire. Indignation, d'ailleurs, politiquement et médiatiquement représentée dans un système parlementaire univoque, bien que supposé pluriel ; celui des « opinions d'autrui ».
La cession éthique de la philosophie sur la morale démocratique ne se soutient guère si la démocratie, à son tour, ne peut pas jouir d?une autorité fondatrice et argumentative, voire intrinsèquement philosophique. Donc, il ne s'agit plus d?une simple moralité, fondée sur la religion ou la tradition, mais, plutôt, sur le moralisme d'une raison philosophique, parvenue des Lumières et de la Révolution Française, qui se fait l'indice non raisonné ou ultime de tout bien et de tout mal.
2. Le « débatisme » transcendantal et l'origine animale de la démocratie.
Le parlementarisme, ou ce que Donoso Cortés, célèbre rationaliste contre-révolutionnaire du dix-neuvième siècle espagnol, appelait sans ambages la domination de « la classe discuteuse » (la clase discutidora), la bourgeoisie, est naturel au système de la démocratie philosophique. Les lumières de la Raison défendent d'interdire la libre expression des idées ; de fait, il n'a plus de vérités clandestines. La censure ne vient plus du décret ou de l'ordonnance d'un fonctionnaire de l'Église ou de l'État, mais plutôt de la simple répulsion ou damnation par « l'opinion publique », en tant qu'elle est censée garantir la vérité philosophico-politique du libéralisme. Or, ceci suppose une nouvelle catégorie de clandestins du point de vue politique : non plus de hors-la-loi, mais, pire, de hors-la-raison-suffisante de la philosophie comme « bon sens » du Réel. Depuis le matériau philosophique de l'irrationaliste Joseph de Maistre, nous postulons théoriquement le principe d'effacement des vérités non-philosophiques et de quasi-criminalisation des constructions théoriques étrangères au libéralisme rationaliste des démocraties contemporaines. Pour nous le « politiquement correct » n'est qu'un cas du « philosophiquement suffisant » de l'ordre mondial actuel. Contre le « débat acceptable » et, plutôt, contre le débat tout court, le débat sans phrase, le « débatisme », possède une signification transcendantale, première et conditionnelle, dans le système « ouvert » de la démocratie libérale.
Pour nous le libéralisme comme théorie politique est seulement un donné de la philosophie et, dans ce cas, un contenu empirique que la philosophie de l'absolutisme, dans sa critique, préjuge comme une position particulière sur le Réel. De ce point de vue, l'origine de la démocratie est naturelle, voire sauvage ou animale. Elle est le système naturel de l'animal rationnel, de l'animal parlant, de l'animal débatteur, du du ???? ????? ???? de la philosophie grecque. Cette biopolitique qui ne cesse de postuler l'animalité rationaliste de l'homme trouve, à la fin de l?histoire démocratique, son système politique dans le « contrat » du constitutionalisme, comme pacte social et convention des sujets zoologiques autant que logiques libres et souverains.
La lumière naturelle ne saurait jamais avoir une origine historique. Or, ce n'est que l'histoire ? dans sa lutte pour la liberté d'après le précepte moderniste ? qui a créé ce concept. Joseph de Maistre trouve ici le point fondateur, autant que paradoxal, de la démocratie libérale. Pour le penseur savoisien, la démocratie a comme prétendu fondement un « paradoxe » : le « contrat social » est premier par rapport à la société. Entre la boutade et le sophisme, Maistre, articule une critique acérée de la sociologie philosophique des Lumières. Il commence par supposer le dit « droit naturel » des « sauvages » en tant qu'origine exceptionnelle de la civilisation de la raison. Sa critique récapitule en apories le mythe contractuel ou constituant des démocraties représentatives :
Dans la « glace » ancestrale d'« un grand échiquier » les hommes vivaient comme des individus souverains de leur droit naturel avant même la « naissance des sociétés ». Mais, « dès qu'un homme et une femme sauvages ont vécu quelque temps ensemble, il faut agrandir la hutte ». Etant donné le péril naturel de la biologie sur la démographie, le bon sauvage pu s'apercevoir juste à temps qu'une multitude des hommes primitifs commencèrent à peupler la terre « jusqu'aux dernières bornes des déserts les moins habités », sans qu'aucun contrat social n'ait pu régler ses affaires. « Pour prévenir cet inconvénient monstrueux », les hommes sauvages se sont repoussés les uns aux autres sur toute la planète pendant des « siècles », et l'on a su soutenir jusqu ?à la limite du possible la légitimité absolue de « l'état de nature». Mais à l'aube d'un jour imprécis, un homme de la souche révolutionnaire des « novateurs turbulents » a décidé, sans motif suffisamment clair ou distinct et voulant « changer uniquement pour changer », de convier tous les hommes naturels « de l'univers » à la première assemblée constituante de la société, laquelle était censée instaurer le premier « contrat ». Cela a eu lieu, parait-il, sur « un petit îlot marécageux formé par une rivière qui est devenue par la suite extrêmement célèbre », puisqu'elle s'est révélé être, contre la simple tradition philosophique des Hellènes, la crèche du « philosophisme » constitutif et démesuré des sociétés modernes. Lorsque tout était prêt pour commencer la première grande discussion qui donnerait naissance à l'Histoire ? suit la narration maistrienne ? tous étaient réjouis d'entreprendre un si important débat, instaurateur du nouveau régime civil. Mais, faute de ne pas être suffisamment prévoyant, ces hommes primitifs se sont aperçu avec une « confusion horrible » que l'on n'avait encore pas inventé la « parole ». Cette première constatation est venue d'une « motion d'ordre » inopinée par un membre très critique et schématique, récemment réveillé du sommeil dogmatique de la vie naturelle : « Messieurs, dit-il, j'ai lieu de m'étonner que, par une synthèse téméraire et de raisonnements a priori tout à fait intempestifs, vous ayez imaginé d'instaurer la société avant d'avoir pensée aux moyens de l'utiliser. Je vais soulever une difficulté qui pourra vous effrayer ; mais le danger est si conséquent qu'il m'est impossible de vous rien cacher. Croyez-moi, Messieurs, il y a de l'avenir dans ce que je vais vous dire. L'état social, bon sous certains rapports, ne vous dégradera pas moins sous d'autres, en vous mettant dans la nécessité presque habituelle de penser. Or la pensée n'est qu'une perpétuelle analyse, et il n'y a point d'analyse sans méthode pour l'opérer. Cependant, où est cette méthode sans laquelle vous ne pourrez penser ? Je demande qu'avant tout on invente la parole. » Pour « acclamation » tous ont commencé, par des « idées simples et l'onomatopée », à construire le langage politique tout autant que la langue commune dans le cadre du contrat social qui a donné origine à la culture et à la société qui progressivement est devenue notre démocratie mondiale.
Ce paradoxe maistrien fait la critique, donnée dans un futur antérieur, du darwinisme social et biologique de la démocratie foncièrement langagière autant que naturaliste. Seulement comme point initial du débat (DA), dont on doit toujours présupposer « l'égalité des conditions », l'homme est censé avoir une origine simiesque. Si naturelle est l'origine de la démocratie libérale que même l'essence de l'homme, selon elle, a été postulée par l'anthropologie classique de la philosophie ? l'homme est un animal parlant ? et, ne peut venir qu'après le contrat social. Cette sauvagerie paradoxale et constituante naturalise aussitôt l'esprit des citoyens apprivoisés par la métaphore aristotélicienne (animal raisonnable), où des nouvelles forces amphibologiques (animal / discuteur ou animal / débateur) fournissent le cadre d'une philosophie de l'opinion commune et générale qui fait d'ellemême le critère ultime de toute pensée du politique et de toute politique de la pensée.
3. Le principe de vexation suffisante
Tout homme est clandestin dès qu'il s'énonce hors du champ de débat acceptable. Et comme le débatisme est foncièrement supposé « universalisme » de l'essence libérale de la démocratie, la vraie universalité de l'homme gît dans un univers indiscutable, voire unilatéral (Uni-vers) par rapport à tout débat possible. D'ailleurs, l'essence du monde n'est que la tenaille infinie d'une dispute interminable, et son essence nous vient représentée par une « double pince » qui règle d'une façon à la fois aprioristique et empirique les thèses, les thèmes, les sujets, les opinions et les pourparlers dans un système qui se veut plausible comme mixte du Réel et du débat ; ceci constitue l'essence du philosophisme moderne. Comme si ? et c'est plus qu'une métaphore ? l'Univers étais censé incarner un parlement planétaire. De la sorte, « droite » et « gauche », conservateurs et progressistes, girondins et jacobins, républicains et socialistes, majorité et minorités, bref des alternatives et amphibologies dyadiques, ne forment qu'un seul ordre conformiste : l'ordre mondial et global, où toute action politique qui outrepasse les bornes de la chicane parlementaire et s'impose ainsi, en tant que vérité, unilatéralement selon le Réel, est marquée du sceau de la clandestinité.
Dans cette médiocrité de la pensée, la philosophie, comme décision naturaliste de l'essence du Réel, ne s'affaibli pas ; au contraire, elle se fait plus vigoureuse au fur et à mesure que son emprise égale la puissance du sens commun, parce qu'elle se fait le sens commun lui-même. C'est pour cette raison que Lacan ? qui portait le libéralisme et le philosophisme jusqu'à l'analyse de l'inconscient ? affirmait que l'homme a réussi à marcher sur la surface de la Lune sans que le lecteur des journaux devenu philosophe ? et vice-versa ajouterons-nous ? se soit grandement étonné.
Dans le libéralisme, le discours politique ne se différencie guère de l'opinion publique, de même l'opinion publique ne se distingue plus du philosophisme moral. Ce que Sieyès dénonçait comme la limite d'une science du politique, « la confusion de la langue vulgaire avec la langue philosophique » ? confusion d'où l'on peut tracer l'origine dès l'effort platonicien pour délimiter l'épistème de la simple, mais puissante, doxa ? se constate de nos jours comme le véritable pouvoir « idéologique » de la démocratie représentative. Dans ce système, toute personne est forcée de devenir un petit philosophe et tout philosophe un grand moraliste.
La langue politique, placée entre le journalisme transcendant de l'intellectuel et le journalisme transcendantal des médias, s'amalgame à langue de la furtive opinion publique autant qu'à celle de la philosophie. « Apologie du terrorisme », « négation de l'Holocauste, du génocide et des crimes contre l'humanité», « incitation au racisme », « offense aux minorités », « secours au fondamentalisme », « sexisme et usage sexiste de la langue », « négation des valeurs républicaines », « mépris pour les droits de l'homme », etc., sont certainement de syntagmes politiques, mais leur prétendue validité outrepasse « la langue du législateur », engageant aussi la langue des journalistes comme la langue du philosophe, devenu publiciste de l'ordre mondial. Inutile de chercher dans une pure consigne comme « liberté, égalité fraternité » le fondement ultime d'un principe théologique qui a longtemps négligé l'idée d'un ???? quelconque. À la base de l'absolutisme sans absolu de la démocratie planétaire, il n'y a pas un fondement indiscutable, mais le perpétuel et multiple commencement philosophique dont le naturalisme moral ne cesse de temporiser, sauf provisoirement comme dans les fables contractuelles, la légitimité de ses décisions. Ce cercle vicieux de l'intelligence libérale, qui subsume toute philosophie possible, nous l'appelons, étant donné son auto-position métaphysique, Principe de Vexation Suffisante (PVS). Toute pensée qui viole ce principe se fait déjà clandestine par rapport au jugement philosophique du monde, soit qu'il la dénonce comme moralement inacceptable, soit comme politiquement incorrecte.
À cause du libéralisme, et de son principe fondamental (PVS), « l'homme ordinaire » n'existe plus dans l'ordre du monde. L?homme sans opinions, sans penchant au débat, sans convictions discutables, indifférent à l'irréalité de la parole parlementaire, sans publicité et sans position, est abominable du point de vue de l'anthropologie des golems rationnels et standardisés du mondialisme démocratique. L'ordinaire étant seulement le symptôme de l'impuissance de l'extraordinaire (hors de l'ordre du monde), « l'homme démocratique », selon ces lumières philosophiques, jouit de la même infatuation morale du philosophe et de la même fierté langagière du débateur rationaliste, qui est toujours trop convaincu par la cohérence incontestable de son ignorance. Ainsi, le relativisme philosophique de l'opinion dans le cadre dogmatique de l'ordre moral, ne doit pas délibérer sur sa discursivité. Son auto-légitimité provient de la liberté du petit philosophe citoyen, à condition, certes, que l'on respecte la liberté d'opinion en tant qu'institution ultime de toute philosophie, et même si la philosophie défie ? avec grandes difficultés ? sa propre philosophabilité, l'opinion ne néglige guère sa philosophaillerie.
Certainement que la démocratie libérale peut réclamer sa légitimité du fait d'être le seul système qui permette sa propre critique infinie ; autant dire qu'il n'y aurait pas un principe positif, mais seulement une position de jure qui l'autonomise de toute théorie ou analyse. Cette essence auto-négative est toute proche, sinon égale, à l'essence de la philosophie. Et, pour ce qui est du respect de la liberté, en supposant qu'il s'agisse d'une vraie liberté de droit, personne ne peut me donner le droit de dire ce que je veux sans que, à son tour, il décide pour moi quel est mon droit. La liberté de l'opinion, donc, son auto-donation des contenus et son auto-position des jugements, ne fait de la liberté qu'une simple opinion, dont le secours et le salut se trouvent toujours dans une philosophie qui défend la ruine de cette amphibologie générative de la politique mondiale. Voici qu'une certaine idée d'immanence se produit entre « opinion » et « liberté », dont la liberté d'opinion n'est qu'un cas de figure. Liberté, certes, qui ne s'oppose pas au scandale dans la pensée. Or, une pensée en dernière instance seulement éthique, voire une pensée sans scandale qui n'ait pas un principe moral, ou pratico-mondial, comme celui de sa genèse, n'est pas possible dans la philosophie. Le politique parlementaire, devenu un petit prince plus cynique que machiavélique, ne fait que constater, dans sa suffisance morale et pseudo-partisane, la criminalité médiocre, rationnelle et politiquement correcte d'un philosophisme social assez répandu.
4. Contre le débat libéral, la polémique-de-dernière instance
Dans le libéralisme, vu le monde de la morale philosophique et la philosophie de la pensée moraliste ou naturaliste du monde, le débat peut signifier seulement l'ajournement sine die de la lutte dans la discussion perpétuelle ; tandis que la polémique est la vraie parole de la lutte et, en tant que telle, devient nécessairement éthique et philosophiquement clandestine.
Dans l'immanence libérale de l'impotence et du bavardage se dresse le débat mondialiste, interdisant, puisque politiquement incorrecte, toute polémique contre l'idée de démocratie. La nature rien que verbale de la tolérance démocratique mondialisée est la mise en scène d'un pouvoir dépourvu d'une quelconque effectivité sur le réel, bien que sa domination soit efficacement irréelle. L'arme principale dans ce « débatisme » est la conviction et non plus, sauf en dernier ressort, la répression. Mais, convaincre signifie, d'emblée, vaincre avec la complicité du vaincu. De telle sorte que, tout accord politique, né de convictions morales ou philosophiques, constitue, parce qu'il escamote la possibilité de la lutte, une dévastation discrète, morne et sans scandale, de toute vérité politique. La victoire (sans combat) d'un prétendu contrat social (sans hommes) fait de toute énonciation politique une déclaration du nihilisme et de sa complaisance. Cela présuppose aussi un certain type de subjectivité philosophique dont la forme simple et fondamentale est donnée par la supposition existentielle d'un individu libre et souverain dont l'origine est naturelle ou biologique. Celui-ci constitue l'anthropoïde essentiel de la sociologie et de l'ontologie libérales. Cet individu, à la fois cartésien et pascalien, si bien supposé accepter l'effondrement métaphysique de l'Univers infini, ne peut sous aucune condition renoncer à agir comme centre ptolémaïque des opinions, des idées et des convictions d'autrui ; bref, le monde, ne fut-ce que son monde à lui, devient égal à son idée la plus intime. Il est, par ce biais paradoxal, obligé de devenir le centre d'un véritable infini vicieux et, à cause de cela, son impuissance devient interminable et sa responsabilité malingre ; il lui reste seulement à discuter, pour se consoler.
Cette volonté d'impuissance du libéralisme ne peut pas accepter une polémique dont la vérité et la pertinence n'apparaissent pas données par la discussion rationnelle des contradictions les plus futiles. Cette démocratie du sens commun et du bon sens, dont le centre est l'individu communiquant à la circonférence nulle, ne peut pas accepter la faute de dialectique, ne fut-ce que la dialectique de la causerie vulgaire, entre le débat et le Réel. Le débat vient d'une position arbitraire ou suffisante à soi, tandis que la polémique est essentiellement unilatérale et sa pertinence identique à sa lutte. Dès lors qu'une vérité se dérobe au « débat démocratique » elle est étiquetée de terroriste, fanatique ou fondamentaliste, bien qu'elle soit seulement ? ou tristement ? politiquement incorrecte.
La philosophie, le capitalisme et le libéralisme partageant la même structure, la négation naïve et bureaucratique de leur validité ne fait que reproduire sans relâche les apories de leur dépassement possible ou utopique. Ceci a été le cas du bolchevisme et du fascisme historiques, dont le produit final ne fut que la maximisation de la démocratie libérale et le renforcement de l'esprit bourgeois ou débateur ; de la même manière que, en censurant le racisme, l'intelligence libérale éperonne sa croyance et, au contraire de le rendre inefficace, elle le perfectionne. Ainsi, dans le libéralisme, l'on peut, certes, s'exprimer librement, mais à condition que cette liberté soit équivalente à sa contradiction. Autrement dit, si toute vérité est relative, le relativisme devient absolu.
La bataille ridicule de cette « action communicative » est le symptôme d'une guerre, quoique stupide, fort farouche. Tout se passe comme si l'insuffisance des assemblées, des débats, du droit à la parole, des pourparlers, des accords, et des compromis heurtait la « paix perpétuelle » des humains. Mais, à la rigueur, est-ce bien l?Homme cet être hystérique, discoureur et impuissant qu'imagine la démocratie libérale ?
De ce point de vue, avec les « droits de l'homme », inhérents à l'État mondial, y compris et surtout à la liberté d'expression, l'on devient plus humain à mesure que l'on fait preuve de son penchant rationaliste, dés?uvré, critiqueur et débateur. Or, il y a une autre force de vérité silencieuse ; silencieuse puisque, sans rien dire, elle est la cause seulement réelle, et non langagière, de toute parole authentique qui mène sa propre lutte dans le maquis, purement humaine et au-delà des droits immanents au libéralisme et à la falsification des sujets. Cette force clandestine s'exprime, sans débattre de ses engagements, contre la bêtise de la classe discuteuse. L'expression de cette lutte est la polémique-dedernière-instance.
La parole de toute lutte est polémique, voire indiscutable, dès qu'elle vient seulement du Réel. La polémique est sommaire par rapport à toute rectitude politique, à tout débat rationaliste qui postule une proportion entre l?Homme et la politique, de même qu'entre la vérité et la simple discussion des arguments. Ainsi, la polémique est la force de discussion qui ne discute en aucun cas sa vérité.
Comme le libéralisme n'est que l'arrangement dyadique des vérités politiques dans un système stable, homogène et stérile, la vraie polémique est radicalement indifférente à toute conception et à toute position parlementaire de la liberté ; car le parlementarisme (la causerie politique) subsume dans la dyade droite et gauche toutes les amphibologies du monde, dont un autre dyade, peuple et représentativité, assure sa double pertinence dans l'amphibologie légitimité et légalité. La polémique-de-dernièreinstance révèle, grâce à sa révolte unilatérale et indiscutable, l'occasion de sa lutte, de son combat, pendant que son sujet non-philosophique ne peut que rester clandestin vis-à-vis de la rationalité d'État et de l?intelligence libérale qui capitalisent toute philosophie, voire toute impotence de la décision sur le Réel.
5. La démocratie clandestine
La « pensée unique » est unique par son essence dyadique (dont le penchant discoureur est mené jusqu'à la dialectique du Réel et de l'opinion politique et dont la politique, à son tour, n'est qu'une opinion possible). Ce caractère libéral de la démocratie mondiale, voire du monde capitaliste et son philosophisme naturel, est censé être une « notion universellement incontestable ». Celle-là est une banalité dont on est toujours supposé partir pour ne jamais en sortir, que l'on soit de droite comme de gauche. Cette acceptation par impuissance, plutôt que « par convention », de l'amphibologie formée par la distinction classique entre l'état civil libéral et l?état de nature sauvage, telle que le paradoxe maistrien la montre, comme convention aprioristique en relation à l'homme ? y compris le marxisme qui rapporte déjà la nature à l?état politique ? constitue la limite, au sens philosophico-moral, de la pensée politique.
Indifférent à cette limite, le Clandestin est tout sujet qui ne cède pas au contractualisme philosophique, c'est-à-dire, tout sujet en lutte qui soit identique en-dernière-instance à la lutte donnée. Autrement dit, l?homme qui unilatéralement lutte contre le monde sans que le monde soit capable, à son tour, de discuter la validité de sa lutte. Étant pensée incompressible à l'intelligence libérale ou philosophique, sa lutte devient secrète autant que subversive. Étant pure immanence sans rapport à la double pince du monde, il relève d'une légitimité sans contestation et d'une pertinence sans justification. Étant hérésie secrète, voire indomptable, mais en relation à la fausse autorité du philosophisme, il est un ancien cathare qu'aucun papiste du monde moderne ne peut anéantir.
La démocratie unilatérale vient de la subversion polémique de ce Sujet uniquement identique au réel du politique ; autrement dit, elle vient d'un peuple sans représentant dont le pouvoir constituant est uniquement unilatéral, et dont l'indignation radicale est inacceptable pour le « débatisme » (CDA) et pour la rectitude politique (PC). Mais cette clandestinité de l?homme est aussi son pouvoir. Le Clandestin, étranger au monde, au libéralisme et au capitalisme, ne se soulève pas par une simple position idéologique (déjà subsumée par la démocratie mondialisée), mais sa rébellion est plus puissante et efficace que l'infructueuse et pusillanime « révolte citoyenne », et dont la légitimité ne peut être que transcendantale par rapport au champ du débat acceptable et de la légalité surgie d'un contrat social trop amphibologique pour jouir de l'acceptation des humains clandestins. Cette rébellion, identique à son essence indiscutable ou unilatérale, fait de l'Homme un clandestin radical pour l'essence libérale, voire vainement trouble, du monde.
Contre la simple vexation de la démocratie des opinions purement d'autrui, voire la démocratie du philosophisme contractuel, opère la force de dignité constituante et constitutive des Clandestins. Leur action est double mais unilatérale : par leur force constituante, ils ont une puissance de vérité qui appauvrit jusqu'à sa déficience la limite moraliste du Monde (philosophisme, libéralisme, capitalisme), c'est-à-dire, le Champ du Débat Acceptable (CDA) dont le fondement sans cause est donné par le Principe de Vexation Suffisante (PVS). Or, par leur force constitutive, les Clandestins ont aussi une fermeté éthique et politique qui, étant identique en-dernière-instance au réel de la lutte, peut s'organiser au-delà du monde (CDA) ; par conséquent, ils jouissent d'une légitimité avant-première qui ne se fonde pas sur des mythes dialectiques ou des amphibologies philosophicomorales, mais sur l'unilatéralité de la pertinence de leur lutte.
Le gouvernement des Clandestins s'exerce ainsi sur l'horizon d'un héroïsme réel qui franchit déjà, de jure et de facto, le gouvernement légalement fabuleux du débat nihiliste. Puisque les Clandestins ne discutent pas le réel de leurs vérités, ils rendent empiriquement possible la décision politique de-dernièreinstance ; celle qui suspens toute fausse autorité du monde libéral dans l'action purement libératrice de la dictature des humains.
Cf. The Independent, Londres, 18 octobre 2007.
Cf. Joseph DE MAISTRE, ?uvres. Édition établie par Pierre Glaudes. Editions Robert Laffort, Paris, 2007, pp.141-146.
Cf. François Laruelle, Introduction au non-marxisme, Paris, PUF, 2000, p. 122
Réponses (2)
Anne-Françoise Schmid
26/12/2008 à 14:45
Cher Erik,
il nous faut encore deux résumés, français et anglais, ainsiu que des mots-clés,
amitiés et mille bons voeux,
Anne-Françoise
il nous faut encore deux résumés, français et anglais, ainsiu que des mots-clés,
amitiés et mille bons voeux,
Anne-Françoise
Etienne Brouzes
19/01/2009 à 18:32
Resumé :
Dans ce texte, on analyse les amphibologies libérales de la polémique dans les démocraties que vont du « débatisme » ou « philosophisme » jusqu’au Principe de Vexation Suffisante. Après on propose un autre sens de la polémique sous une forme non-philosophique.
Abstract :
In this paper we reckon the liberal amphibologies of political arguing in the liberal democracies. They go from debatism or philosophism to a Principle of Sufficient Vexation. Then we propose another direction to the political arguing in a no-philosophical outline.
Mot Clés: De Maistre, Censure, Polémique, Philosophisme
Dans ce texte, on analyse les amphibologies libérales de la polémique dans les démocraties que vont du « débatisme » ou « philosophisme » jusqu’au Principe de Vexation Suffisante. Après on propose un autre sens de la polémique sous une forme non-philosophique.
Abstract :
In this paper we reckon the liberal amphibologies of political arguing in the liberal democracies. They go from debatism or philosophism to a Principle of Sufficient Vexation. Then we propose another direction to the political arguing in a no-philosophical outline.
Mot Clés: De Maistre, Censure, Polémique, Philosophisme