Vers une Esthétique Clandestine
17/12/2008 à 16:05
Par: Etienne Brouzes
Abstract :
Ce travail expose sept axiomes pour une esthétique clandestine à venir, entendue comme transformation de l'esthétique philosophique selon l'Un non-philosophique. Philo-fiction, pour l'Utopie et le Monde ; nous introduisons le postulat d'Identité (de l') Impossible en regard du réel forclos. Il s'agit ici, de faire valoir l'invention et l'hésitation créatrices comme fondements du Salut de l'Homme, de toute éternité. Ce discours est donc également eschatologique.
This piece of work outlines seven axioms for an underground aesthetics coming, understood as conversion of philosophical aesthetics, according to the non-philosophical One.
Fiction-Philo, for Utopia and the World.
We are introducing the postulate of Identity of the Impossible with the Barred Real opposite.
Here, it deals with enhancing creative invention and hesitancy as roots of Human Salvation for ever.
This discourse, of course, is eschatological as well.
Mots clefs :
esthétique, clandestine, identité, hésitation, invention
Vers une Esthétique Clandestine
« Le désastre ruine tout en laissant tout en l'état. »
Maurice Blanchot, L'écriture du désastre.
§ 1 : La solution non-esthétique que l'on va tenter d'esquisser ici est la description de ce dont une oeuvre est « manifestation » : l'Invention (de l') Impossible (que l'on écrira aussi Un-possible ou II). Cette solution ne s'annonce pas comme vérité absolue du fait artistique mais comme vérité-sans-solution, comme évidence : ni en-deçà ou au-delà, plutôt Autre-que le système formé par le Vrai et le Non-Vrai.
§ 2 : L'évidence vide comme transformation des rapports de la contingence à la nécessité, nous y reviendrons. Ce que chaque oeuvre révèle c'est qu'il y a un (r)apport entre l'Un-possible et ce qui relève de la pensée-langue. Bien que l'on tienne pour acquis la forclusion du Réel, au langage comme à la pensée - Réel radicalement séparé, il nous faut admettre que l'immanence radicale a bien une certaine forme d'agir à peine dissimulée ou cachée dans la création artistique.
§ 3 : C'est donc sans accès possible au Réel mais à l'occasion de la manifestation d'oeuvres et de théories rendues non-suffisantes également d'un manifeste-sans-manifestation que l'on pourra transformer le Tout (la philosophie comme forme unitaire du Monde), rompre avec la structure circulaire de la philosophie et sa prétention suffisante, et avec sa boulimie passéiste. Le trans- dans la transformation c'est l'agir (du) Futur. Ou la « futuralité » de cette science à élaborer.
§ 4 : Précisons. Le Réel est indifférent au Possible tout autant qu'à l'Impossible, pourtant l'Un-possible (se) souvient du Réel. La création pure - ou non-agir de l'immanence - unilatérale et radicale fait symptôme jusque que dans le Monde. Peut-on penser un discours adéquat à la « nature » immanente du Réel, un discours qui ne refasse pas du Réel un sujet ? Un discours qui ne donne pas d'emblée le primat au Monde pour ensuite chercher à l'abolir ou à l'intégrer éternellement. Un discours qui puisse rendre compréhensible le phénomène artistique toutes formes confondues. Un discours que l'on pourra dire scientifique mais aussi eschatologique.
§ 5 : Quel est donc ce sujet particulier au discours messianique, à l'oeuvre Un-possible, inconnu de la philosophie, qui n'est pas de ce Monde mais l'accompagne toujours et une fois chaque fois le transforme ?
Quel est le savoir qui fait la faiblesse, la finitude de ce sujet Un-capable qui reste si souvent caché ?
§ 6 : C'est le Clandestin dans la pensée-art, Etranger au Logos qui pourtant se révèle comme condition de possibilité de l'Utopie autant que du Monde. Il se donne la philosophie sous condition non-suffisante. Le Clandestin n'est pas seulement oublié ou refoulé par la philosophie, il est aussi vide de toutes déterminations, donc pas un sujet philosophique qui pourrait recevoir des attributs, mais surtout il est Identité Résistante au Monde. Ce sera le premier axiome pour une Esthétique Clandestine à venir.
§ 7 : L'Esthétique Clandestine, ne cherche pas à élaborer un nouveau système des Beaux Arts, toujours hiérarchique et postulant l'existence d'une nature universelle et transcendante de l'art, se débattant toujours dans des dualités du type : Beau / Laid, Vrai / Non-Vrai, Authentique / Imité ou encore Reproduit. Pas non plus un nouveau point de vue de la philosophie sur l'esthétique ou une nouvelle esthétique philosophique. L'Esthétique Clandestine est une science valant pour le non-agir du Clandestin.
§ 8 : Au contraire du sujet philosophique qui se présente toujours finalement divisé, le Clandestin non seulement dissout, selon son Vécu-en-immanence, Vécu-Un, les amphibologies produites par l'esthétique philosophique (et autres mondanités) mais peut opérer des transformations du Tout par les moyens de la science et de l'art unis en-dernière-instance : soit des philo-fictions. Ce sera là notre second axiome pour une Esthétique Clandestine future.
§ 9 : L'Esthétique Clandestine opère une coupure unilatérale entre le Clandestin et le Tout (pas vraiment construit ou déconstruit mais 1) à l'occasion des systèmes esthétiques et 2) selon l'Un-possible). Le Tout philosophable, auto-totalisation de la philosophie peut être déterminé en-dernière-instance par l'Homme-en-personne. Cette détermination est donc aussi une transformation, le tors minimal fait au Monde par l'Un-possible.
§ 10 : Le Clandestin, cet Autre-que ou (non-)Un étant sans rapport peut déterminer les (r)apports de l'esthétique et de la science. Déterminer un nouvel usage de l'esthétique selon l'Homme entendu comme Résistance et force faible, en lutte avec le Monde mais justement pour l'Utopie ; usage en sus mais hors prix, sans plus-value, en suspension dirait-on.
§ 11 : L'Homme en tant que Clandestin ne se justifie pas. Ni ne cherche à être reconnu ou identifié. Il se sait Etranger au Monde. Voilà qui sera notre troisième axiome. L'évidence non-philosophique c'est que l'Un n'a pas besoin de se montrer ni d'être démontré, il tolère cependant d'être cloné sous le nom du Clandestin qui lui est capable d'affect et peut se montrer, à sa guise.
§ 12 : Reprenons. L'affect esthétique est un affect (de) soi, immanence radicale. Sa beauté tient de la présence simultanée du Vécu-Un et des supports ou moyens, occasionnels, de l'oeuvre ; c'est une affinité improbable et contingente de l'affect (de) soi et du Monde, une alliance traumagique. C'est cet accord ou réconciliation qui permet de parler selon l'immanence et sous les conditions de la forclusion du Réel. Cet affect ne peut être soumis à la question de son émergence, il faut le comprendre comme apriori de toute expérience esthétique possible. Il rendra possible la transformation du Monde et de l'esthétique pour la création artistique et en définitive l'Homme.
§ 13 : Le Vécu-Un, affect en-dernière-instance, si une oeuvre se présente, est une émotion-de-beauté, véritable affect immédiat, indépendant, antérieur aux causes techniques et aux déterminations stylistiques ou matérielles de l'oeuvre, plus antérieur que la vie même, Vécu-sans-vie, un sentir non sensible qui n'est pas déterminé par la sensibilité. Ce vécu est l'affect-Un, ni intériorité ni matérialité ; il garde son identité et donc ne s'aliène pas dans le monde, les théories esthétiques, ou même les oeuvres. Il n'y a plus d'auto-position de l'esthétique qui ne peut plus prétendre pouvoir co-déterminer l'oeuvre par effet de retour ou plutôt de revers.
§ 14 : L'Esthétique Clandestine est conciliation sans médiation des opposés, des deux termes de la dyade Clandestin // Monde : finalement c'est un accord quasi-magique (une magie noire sans doute), sans système et sans rapport de toute façon.
Tel est notre quatrième axiome.
Ce non-rapport est dans le même moment déplacement et inversion des déterminations mondaines de l'esthétique philosophique. L'Esthétique Clandestine postule une égalité-sans-rapport plutôt qu'un rapport de force ou forcé, qu'une lutte interne philosophique. Une équivalence a priori des différences qui permet un apport unilatéral pour la pensée artistique, le Monde-art.
§ 15 : L'artiste renonce à la vérité comme totalité pleine et cohérente ou absolue et abouti au fragmentaire, au chaotique, à l'indécision radicale. Ce chaos n'est d'ailleurs pas infini, il est limité par le matériau qu'est devenu l'esthétique. Chaos qui est donc une certaine universalité mais pas une totalité. Le savoir - cette solution-sans-problème - qui fonde l'Esthétique Clandestine est générique, ni universel ni particulier. L'Un-certitude (on n'est pas dans la certitude, dans l'immanence honteuse qui se cache), l'hésitation non-décisionnelle, u-chronique et utopique, vue-en-Un ou mise à jour par l'Esthétique Clandestine constitue la « forme apriori » de la fiction et de la création. Cinquième axiome.
§ 16 : L'oeuvre, comme l'Homme-en-personne est indifférente à la réussite et à l'échec, au sens et au non-sens, au vrai et au non-vrai, à toute spéculation mondaine. C'est plus qu'un effet de l'affinité de l'art et de l'Homme. Et cela se comprend aisément dès lors que l'on cesse de vouloir évaluer l'oeuvre en usant des transcendantaux de l'esthétique philosophique, d'essayer de lui donner une place dans un système ou dans une classification des oeuvres qui reste toujours mais à des degrés divers hiérarchique.
§ 17 : L'art n'a pas de critère en-soi ni besoin de preuve à l'instar de l'Homme et du Réel. L'oeuvre est affect (de) soi de part en part, un multiple-sans-continuité, c'est-à-dire un chaos. Cependant cette multiplicité ne résulte pas d'une division ou d'une opération de l'Un. Agir-sans-réagir, l'oeuvre du Clandestin vient de nulle-part et ne cherche pas non plus une hypothétique place qu'elle aurait quittée ; elle ne peut qu'errer dans le Dédale et Musée du Monde fossilisé.
§ 18 : De la contingence à la nécessité : l'Identité (d') Invention pour solution. Comment de la contingence chaotique peut-il se dégager un savoir nécessaire et générique qui s'ignore ? Très simplement. Puisque la contradiction n'est qu'apparente, n'est qu'une nouvelle hallucination philosophique. L'Identité (de) l'Invention est Identité (d') Hésitation (ou Un-certitude unilatérale) par son bord réel et nécessité par celui transcendantal : vrai-sans-vérité ; sixième axiome. On ne tourne plus dans la dualité contingence / nécessité avec toujours pour horizon la prétention au Vrai (ou à l'Authentique, etc.).
§ 19 : De même que l'art, entendu comme affect-Un (par son bord immanent qui n'est même pas premier), ne s'enseigne pas, l'oeuvre seulement comprise « comme » expression (de) l'Un, du non-agir de l'Homme-en-personne, ne se transmet pas. Ainsi, on ne cherchera pas non plus un début ou une fin à l'art. Par hypothèse, on peut penser que la création, l'invention accompagneront toujours l'Homme.
§ 20 : Conclusion provisoire : L'Esthétique Clandestine peut être une pratique qui ne soit plus philosophique (ni esthétique philosophique ni philosophie esthétique) mais identiquement scientifique et artistique, non pas à la marge de la philosophie mais à la limite d'un unique bord (du) Réel solitaire et silencieux.
§ 21 : Finalement : septième axiome, l'Esthétique Clandestine sera une pensée selon l'Un, ultimatum pour la paix par l'art, sommation pour une nouvelle distribution du Monde-art et de la philosophie dans la fiction, la résolution de l'invention comprise telle que nécessité de la Résistance à l'Identité (d') Hésitation avant-première, pour le salut du Dernier Homme. La Résistance est première, l'Identité (d') Invention est avant-première.
Ce travail expose sept axiomes pour une esthétique clandestine à venir, entendue comme transformation de l'esthétique philosophique selon l'Un non-philosophique. Philo-fiction, pour l'Utopie et le Monde ; nous introduisons le postulat d'Identité (de l') Impossible en regard du réel forclos. Il s'agit ici, de faire valoir l'invention et l'hésitation créatrices comme fondements du Salut de l'Homme, de toute éternité. Ce discours est donc également eschatologique.
This piece of work outlines seven axioms for an underground aesthetics coming, understood as conversion of philosophical aesthetics, according to the non-philosophical One.
Fiction-Philo, for Utopia and the World.
We are introducing the postulate of Identity of the Impossible with the Barred Real opposite.
Here, it deals with enhancing creative invention and hesitancy as roots of Human Salvation for ever.
This discourse, of course, is eschatological as well.
Mots clefs :
esthétique, clandestine, identité, hésitation, invention
Vers une Esthétique Clandestine
« Le désastre ruine tout en laissant tout en l'état. »
Maurice Blanchot, L'écriture du désastre.
§ 1 : La solution non-esthétique que l'on va tenter d'esquisser ici est la description de ce dont une oeuvre est « manifestation » : l'Invention (de l') Impossible (que l'on écrira aussi Un-possible ou II). Cette solution ne s'annonce pas comme vérité absolue du fait artistique mais comme vérité-sans-solution, comme évidence : ni en-deçà ou au-delà, plutôt Autre-que le système formé par le Vrai et le Non-Vrai.
§ 2 : L'évidence vide comme transformation des rapports de la contingence à la nécessité, nous y reviendrons. Ce que chaque oeuvre révèle c'est qu'il y a un (r)apport entre l'Un-possible et ce qui relève de la pensée-langue. Bien que l'on tienne pour acquis la forclusion du Réel, au langage comme à la pensée - Réel radicalement séparé, il nous faut admettre que l'immanence radicale a bien une certaine forme d'agir à peine dissimulée ou cachée dans la création artistique.
§ 3 : C'est donc sans accès possible au Réel mais à l'occasion de la manifestation d'oeuvres et de théories rendues non-suffisantes également d'un manifeste-sans-manifestation que l'on pourra transformer le Tout (la philosophie comme forme unitaire du Monde), rompre avec la structure circulaire de la philosophie et sa prétention suffisante, et avec sa boulimie passéiste. Le trans- dans la transformation c'est l'agir (du) Futur. Ou la « futuralité » de cette science à élaborer.
§ 4 : Précisons. Le Réel est indifférent au Possible tout autant qu'à l'Impossible, pourtant l'Un-possible (se) souvient du Réel. La création pure - ou non-agir de l'immanence - unilatérale et radicale fait symptôme jusque que dans le Monde. Peut-on penser un discours adéquat à la « nature » immanente du Réel, un discours qui ne refasse pas du Réel un sujet ? Un discours qui ne donne pas d'emblée le primat au Monde pour ensuite chercher à l'abolir ou à l'intégrer éternellement. Un discours qui puisse rendre compréhensible le phénomène artistique toutes formes confondues. Un discours que l'on pourra dire scientifique mais aussi eschatologique.
§ 5 : Quel est donc ce sujet particulier au discours messianique, à l'oeuvre Un-possible, inconnu de la philosophie, qui n'est pas de ce Monde mais l'accompagne toujours et une fois chaque fois le transforme ?
Quel est le savoir qui fait la faiblesse, la finitude de ce sujet Un-capable qui reste si souvent caché ?
§ 6 : C'est le Clandestin dans la pensée-art, Etranger au Logos qui pourtant se révèle comme condition de possibilité de l'Utopie autant que du Monde. Il se donne la philosophie sous condition non-suffisante. Le Clandestin n'est pas seulement oublié ou refoulé par la philosophie, il est aussi vide de toutes déterminations, donc pas un sujet philosophique qui pourrait recevoir des attributs, mais surtout il est Identité Résistante au Monde. Ce sera le premier axiome pour une Esthétique Clandestine à venir.
§ 7 : L'Esthétique Clandestine, ne cherche pas à élaborer un nouveau système des Beaux Arts, toujours hiérarchique et postulant l'existence d'une nature universelle et transcendante de l'art, se débattant toujours dans des dualités du type : Beau / Laid, Vrai / Non-Vrai, Authentique / Imité ou encore Reproduit. Pas non plus un nouveau point de vue de la philosophie sur l'esthétique ou une nouvelle esthétique philosophique. L'Esthétique Clandestine est une science valant pour le non-agir du Clandestin.
§ 8 : Au contraire du sujet philosophique qui se présente toujours finalement divisé, le Clandestin non seulement dissout, selon son Vécu-en-immanence, Vécu-Un, les amphibologies produites par l'esthétique philosophique (et autres mondanités) mais peut opérer des transformations du Tout par les moyens de la science et de l'art unis en-dernière-instance : soit des philo-fictions. Ce sera là notre second axiome pour une Esthétique Clandestine future.
§ 9 : L'Esthétique Clandestine opère une coupure unilatérale entre le Clandestin et le Tout (pas vraiment construit ou déconstruit mais 1) à l'occasion des systèmes esthétiques et 2) selon l'Un-possible). Le Tout philosophable, auto-totalisation de la philosophie peut être déterminé en-dernière-instance par l'Homme-en-personne. Cette détermination est donc aussi une transformation, le tors minimal fait au Monde par l'Un-possible.
§ 10 : Le Clandestin, cet Autre-que ou (non-)Un étant sans rapport peut déterminer les (r)apports de l'esthétique et de la science. Déterminer un nouvel usage de l'esthétique selon l'Homme entendu comme Résistance et force faible, en lutte avec le Monde mais justement pour l'Utopie ; usage en sus mais hors prix, sans plus-value, en suspension dirait-on.
§ 11 : L'Homme en tant que Clandestin ne se justifie pas. Ni ne cherche à être reconnu ou identifié. Il se sait Etranger au Monde. Voilà qui sera notre troisième axiome. L'évidence non-philosophique c'est que l'Un n'a pas besoin de se montrer ni d'être démontré, il tolère cependant d'être cloné sous le nom du Clandestin qui lui est capable d'affect et peut se montrer, à sa guise.
§ 12 : Reprenons. L'affect esthétique est un affect (de) soi, immanence radicale. Sa beauté tient de la présence simultanée du Vécu-Un et des supports ou moyens, occasionnels, de l'oeuvre ; c'est une affinité improbable et contingente de l'affect (de) soi et du Monde, une alliance traumagique. C'est cet accord ou réconciliation qui permet de parler selon l'immanence et sous les conditions de la forclusion du Réel. Cet affect ne peut être soumis à la question de son émergence, il faut le comprendre comme apriori de toute expérience esthétique possible. Il rendra possible la transformation du Monde et de l'esthétique pour la création artistique et en définitive l'Homme.
§ 13 : Le Vécu-Un, affect en-dernière-instance, si une oeuvre se présente, est une émotion-de-beauté, véritable affect immédiat, indépendant, antérieur aux causes techniques et aux déterminations stylistiques ou matérielles de l'oeuvre, plus antérieur que la vie même, Vécu-sans-vie, un sentir non sensible qui n'est pas déterminé par la sensibilité. Ce vécu est l'affect-Un, ni intériorité ni matérialité ; il garde son identité et donc ne s'aliène pas dans le monde, les théories esthétiques, ou même les oeuvres. Il n'y a plus d'auto-position de l'esthétique qui ne peut plus prétendre pouvoir co-déterminer l'oeuvre par effet de retour ou plutôt de revers.
§ 14 : L'Esthétique Clandestine est conciliation sans médiation des opposés, des deux termes de la dyade Clandestin // Monde : finalement c'est un accord quasi-magique (une magie noire sans doute), sans système et sans rapport de toute façon.
Tel est notre quatrième axiome.
Ce non-rapport est dans le même moment déplacement et inversion des déterminations mondaines de l'esthétique philosophique. L'Esthétique Clandestine postule une égalité-sans-rapport plutôt qu'un rapport de force ou forcé, qu'une lutte interne philosophique. Une équivalence a priori des différences qui permet un apport unilatéral pour la pensée artistique, le Monde-art.
§ 15 : L'artiste renonce à la vérité comme totalité pleine et cohérente ou absolue et abouti au fragmentaire, au chaotique, à l'indécision radicale. Ce chaos n'est d'ailleurs pas infini, il est limité par le matériau qu'est devenu l'esthétique. Chaos qui est donc une certaine universalité mais pas une totalité. Le savoir - cette solution-sans-problème - qui fonde l'Esthétique Clandestine est générique, ni universel ni particulier. L'Un-certitude (on n'est pas dans la certitude, dans l'immanence honteuse qui se cache), l'hésitation non-décisionnelle, u-chronique et utopique, vue-en-Un ou mise à jour par l'Esthétique Clandestine constitue la « forme apriori » de la fiction et de la création. Cinquième axiome.
§ 16 : L'oeuvre, comme l'Homme-en-personne est indifférente à la réussite et à l'échec, au sens et au non-sens, au vrai et au non-vrai, à toute spéculation mondaine. C'est plus qu'un effet de l'affinité de l'art et de l'Homme. Et cela se comprend aisément dès lors que l'on cesse de vouloir évaluer l'oeuvre en usant des transcendantaux de l'esthétique philosophique, d'essayer de lui donner une place dans un système ou dans une classification des oeuvres qui reste toujours mais à des degrés divers hiérarchique.
§ 17 : L'art n'a pas de critère en-soi ni besoin de preuve à l'instar de l'Homme et du Réel. L'oeuvre est affect (de) soi de part en part, un multiple-sans-continuité, c'est-à-dire un chaos. Cependant cette multiplicité ne résulte pas d'une division ou d'une opération de l'Un. Agir-sans-réagir, l'oeuvre du Clandestin vient de nulle-part et ne cherche pas non plus une hypothétique place qu'elle aurait quittée ; elle ne peut qu'errer dans le Dédale et Musée du Monde fossilisé.
§ 18 : De la contingence à la nécessité : l'Identité (d') Invention pour solution. Comment de la contingence chaotique peut-il se dégager un savoir nécessaire et générique qui s'ignore ? Très simplement. Puisque la contradiction n'est qu'apparente, n'est qu'une nouvelle hallucination philosophique. L'Identité (de) l'Invention est Identité (d') Hésitation (ou Un-certitude unilatérale) par son bord réel et nécessité par celui transcendantal : vrai-sans-vérité ; sixième axiome. On ne tourne plus dans la dualité contingence / nécessité avec toujours pour horizon la prétention au Vrai (ou à l'Authentique, etc.).
§ 19 : De même que l'art, entendu comme affect-Un (par son bord immanent qui n'est même pas premier), ne s'enseigne pas, l'oeuvre seulement comprise « comme » expression (de) l'Un, du non-agir de l'Homme-en-personne, ne se transmet pas. Ainsi, on ne cherchera pas non plus un début ou une fin à l'art. Par hypothèse, on peut penser que la création, l'invention accompagneront toujours l'Homme.
§ 20 : Conclusion provisoire : L'Esthétique Clandestine peut être une pratique qui ne soit plus philosophique (ni esthétique philosophique ni philosophie esthétique) mais identiquement scientifique et artistique, non pas à la marge de la philosophie mais à la limite d'un unique bord (du) Réel solitaire et silencieux.
§ 21 : Finalement : septième axiome, l'Esthétique Clandestine sera une pensée selon l'Un, ultimatum pour la paix par l'art, sommation pour une nouvelle distribution du Monde-art et de la philosophie dans la fiction, la résolution de l'invention comprise telle que nécessité de la Résistance à l'Identité (d') Hésitation avant-première, pour le salut du Dernier Homme. La Résistance est première, l'Identité (d') Invention est avant-première.