Par: Hervé Parpaillon
Je me permets d\'adresser à ce forum une petite fantaisie d\'été qui m\'est venue en cours de lecture des ouvrages de François Laruelle.
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Peut-être fera-t-elle au moins sourire des non-philosophes qui ne seraient pas partis en vacances...
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François Laruelle pose une unilatéralité du réel vers la pensée. Nous pourrions dire que le réel implique la pensée à condition de comprendre cette implication sur un mode \"non-logique\". Pour distinguer le \"non-logique\" du \"logique\" sans l\'y opposer, commençons par examiner ce que serait une implication logique du réel vers la pensée.
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\"S\'il y a du réel, alors il y a de la pensée\"
Comme chacun sait, en bonne logique, cette proposition est vraie \"si et seulement si\" il n\'est pas possible qu\'il y ait du réel et pas de pensée. Si ce cas est exclu alors \"S\'il y a du réel, il y a nécessairement de la pensée\".
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Si nous essayons de poser une implication non logique, qu\'est-ce que cela donne ?
Hilary Putnam dit qu\'un type d\'implication n\'est pas totalement logique : \"la marche dans la neige implique la trace des pas\". Nous sommes ici dans l\'ana-logie : les traces évoquent les pas, y ressemblent. Je n\'ai pas retrouvé la référence exacte de cet exemple.
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Nous pourrions donc définir une implication \"non-logique\" que je nommerais \"expressive\" entre le réel et la pensée. Je reprends ici le concept d\'expression que l\'on trouve chez Spinoza et que Henrique Diaz définit ainsi :
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\"Expression : autoaffection immédiate et intrinsèque d\'une essence en une autre essence\"
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http://www.spinozaetnous.org/modules.php?name=News&file=article&sid=19&mode=flat&order=0&thold=0
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Pour ne pas être accusé d\'analogie trop rapide, il conviendrait bien sûr de revoir de plus près les travaux que Deleuze a consacré au problème de l\'expression chez Spinoza.
Le terme \"expression\" peut être cependant utilisé dans une acception assez ancienne mais toujours valide : on \"exprime\" le jus d\'un citron, c\'est-à-dire qu\'on presse le citron pour en sortir (ex) le jus.
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Une implication \"expressive\" du réel vers la pensée signifierait qu\'il y a du réel, des traits, des traces de réel dans la pensée, mais qu\'on ne peut les situer : la pensée ne peut pas cerner jusqu\'à quel point il y a du réel en elle. Ce qui me paraît respecter le concept d\'unilatéralité que propose François Laruelle.
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Deux conséquences :
- Il me paraît non-pertinent d\'affirmer alors une relation nécessaire, contingente ou suffisante du réel vers la pensée. Toutes ces catégories restent dans l\'espace logique classique.
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- L\'irréversibilité de la relation réel/pensée n\'est pas complète.
Le réel est non-logiquement antérieur à la pensée, et la pensée, de façon seconde, car elle pré-suppose le réel, pose cette antériorité. Elle a donc une attitude envers le réel, ou si l\'on préfère une réponse à son égard. Cette réponse est reconnaissante (dans une acception plus éthique que cognitive) sans pour autant viser à connaître le réel : elle le reconnaît en se posant incapable de le re-connaître en elle.
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Comme le disait Lyotard à partir de Lévinas, la bonne réversibilité pose l\'irréversibilité de la relation : la pensée fait, en posant le réel comme un pré-supposé, retour vers lui, tout en sachant qu\'elle ne peut l\'atteindre, qu\'elle ne peut saisir sa présence en elle. Le réel est toujours-déjà passé, et toujours-encore à venir.
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Cordialement,
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:)
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Hervé