Jean-Michel Lacrosse

« Ceci n’est pas une pipe » peignait Magritte en 1929, « Ceci n’est pas une fiche d’identité », écrirais-je aujourd’hui. La « fiche d’identité » est pour moi très exactement le contraire de ce qu’elle affirme faire : alors que l’identité est et ne peut être que « pratique une fois chaque fois d’une identification », c'est-à-dire la pratique sans cesse renouvelée de l’identification d’un sujet dans une philosophie donnée, la fiche d’identité affirme l’immanence d’une identité et d’une détermination « systématique » pour ne pas dire unilatérale puisqu’elle dénie à l’identité une détermination autre que celle affirmée, tout revenant en dernière instance à cette « fiche ».

Devons nous penser que la « fiche d’identité » est l’Homme ? Que la carte est le territoire ?
Cela affirmerait d’abord l’exhaustivité de la « fiche » comme « identité », et de cela on peut douter à l’évidence. Cela affirmerait ensuite la permanence de cette identité, comme si l’identité de l’Homme était donnée de toute éternité et pour (seulement ?) toute cette éternité !
Pour moi, l’identité, et tout particulièrement « l’identité du Sujet » est une construction, une pratique en une philosophie particulière qui donne une identification. Et le Sujet n’y est peut être pas l’élément central, il n’y participe en effet que comme étalon de la métaphore qui donnera « son » identité : Ce que je dis de moi, je ne peux le dire que parce que vous partagez avec ce moi une philosophie et la « re-connaissance » est ainsi bien une pratique de cette identification renouvelée à chaque affirmation (donation) d’une identité. Mais si cette philosophie n’est « que » donnée (et donnée une fois chaque fois de sa pratique) sa contingence même interdit d’affirmer que cette identité est « l’identité du Sujet », ce n’est que l’identité en « cette-fois-ci » de la pratique en cette philosophie-là.

Alors si la « fiche » n’est pas l’Outils à utiliser pour l’identité, peut être peut-on peut essayer d’utiliser une description de ma pratique de la non-philosophie – vous commencez peut être à en avoir une idée ;-) - :
Depuis des années, j’étudie « l’apprentissage », l’apprendre. Ce que l’on peut apprendre tout autant que la manière.
Pour ce faire, j’utilise des modèles (que j’appelle des machines car j’estime que seule la machine dispose de la rigueur nécessaire). La non-philosophie, quand à elle, pratique en toute rigueur une description du Monde (Philosophie) en réduisant tout apprentissage à une seule opération très particulière : le donné-sans-donation. Il devient alors très tentant de décrire le modèle-machine de la non-philosophie, comme modèle de la pratique du Monde et de son « acquisition » (geste de donné-sans-donation en Réel d’une philosophie).

Le cœur de l’Homme est ainsi machine et la machine est fonction (pratique d’une philosophie donnée) en rigueur.

Alors, sans être un Jean-s’en-fiche, il me semble évident que la fiche s’insère entre l’identité et le sujet et ment à son sujet en prétendant montrer un réel qu’elle est bien incapable d’épingler et seule la pratique sans cesse renouvelée de la pensée de l’Autre en pointe l’identité.